Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/398

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Et ses prières pénétraient jusques à vous, et vous me laissiez toujours rouler et plonger dans la nuit !

Chapitre XII.

parole prophétique d’un évêque.

21. Mais vous avez rendu un autre oracle, dont je me souviens. Il est beaucoup de choses que je passe sous silence, pour courir à celles qui me pressent de vous rendre témoignage ; il en est beaucoup que j’ai oubliées. Cet oracle, vous l’avez rendu par la bouche d’un évêque, votre serviteur, nourri dans votre Église, exercé au maniement de vos Écritures. Elle le priait un jour de vouloir bien entrer en conférence avec moi, pour réfuter mes erreurs, me faire désapprendre le mal et m’enseigner le bien (elle sollicitait ainsi toute personne qu’elle trouvait capable) ; mais il s’en excusa avec une prudence que j’ai reconnue depuis, et lui répondit : que j’étais encore indocile, étant tout plein des nouveautés de cette hérésie, et des succès de disputes où j’avais, lui disait-elle, embarrassé quelques ignorants. — Laissez-le, ajouta-t-il. Seulement, priez le Seigneur pour lui. Lui-même reconnaîtra par ses lectures toute l’erreur et toute l’impiété de sa créance.

Ensuite il raconta que lui aussi, tout enfant, avait été livré aux Manichéens par sa mère qu’ils avaient séduite ; qu’il avait non-seulement lu, mais transcrit de sa main presque tous leurs ouvrages, et que sans dispute, sans lutte d’arguments, il avait vu tout à coup combien cette secte était à fuir ; il l’avait fuie. Comme ma mère, loin de se rendre à ses paroles, le pressait d’instances et de larmes nouvelles, pour qu’il me vît et discutât contre moi : — « Allez, lui dit-il avec une certaine impatience, laissez-moi, et vivez toujours ainsi. Il est impossible que l’enfant de telles larmes périsse. » — Ma mère, dans nos entretiens, rappelait souvent qu’elle avait reçu cette réponse comme une voix sortie du ciel.