Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/442

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où j’étais tombé, et votre droite m’en retira (Ps. XVII, 36) et me mit en voie de convalescence. Car, vous avez dit à l’homme : « La piété est la vraie science (Job. XXVIII, 28). Ne désire point passer pour sage (Prov. III, 7), « parce que ceux qui se proclamaient sages sont devenus fous (Ro. I, 21, 22). » Et j’avais déjà trouvé la perle précieuse qu’il fallait acheter au prix de tous mes biens (Matth. 13, 46), et j’hésitais encore.

Chapitre II, Simplicianus lui raconte la conversion de Victorinus-le-rhéteur.

3. J’allai donc vers Simplicianus, père selon la grâce de l’évêque Ambroise, qui l’aimait véritablement comme un père. Je le fis entrer dans le dédale de mes erreurs. Et lorsque je lui racontai que j’avais lu quelques ouvrages platoniciens, traduits en latin par Victorinus, rhéteur à Rome, qui, m’avait-on dit, était mort chrétien, il me félicita de n’être point tombé sur ces autres philosophes pleins de mensonges et de déceptions, professeurs de science charnelle (Coloss. II, 8), tandis que la doctrine platonicienne nous suggère de toutes les manières Dieu et son Verbe. Puis, pour m’exhorter à l’humilité du Christ, cachée aux sages et révélée aux petits (Matth. XI, 25), il réunit tous ses souvenirs sur ce même Victorinus, qu’il avait intimement connu pendant son séjour à Rome. Ce qu’il ma dit de lui, je ne le tairai pas. Adorable chef-d’œuvre de puissance et de grâce ! Ce vieillard, si docte en toute science libérale, qui avait lu, discuté, éclairci tant de livres écrits par les philosophes ; maître de tant de sénateurs illustres, à qui la gloire de son enseignement avait mérité l’honneur le plus rare aux yeux de la cité du monde une statue sur le Forum ; jusqu’au déclin de son âge, adorateur des idoles, initié aux mystères sacriléges, si chers alors à presque toute cette noblesse, à ce peuple de Rome, honteusement épris de tant de monstres divinisés, et d’Isis, et de l’aboyeur Anubis, qui, un jour, avaient levé les armes contre Neptune, Vénus et Minerve ( Enéid. Liv. VIII, 678-700) ; vaincus à qui Rome victorieuse sacrifiait, abominables dieux que ce Victorinus avait défendus tant d’années de sa bouche prostituée à la terre ; merveille ineffable ! ce vieillard n’a point eu honte de se faire l’esclave de votre Christ, d’être lavé comme celui qui vient de naître, à la source pure ; il a plié sa tête au joug de l’humilité, et l’orgueil de son front à l’opprobre de la croix !

4. Seigneur, Seigneur, ô vous qui avez abaissé les cieux et en êtes descendu, qui avez touché les montagnes et les avez embrasées ( Ps. CXLIII, 5), par quels charmes vous êtes-vous insinué dans cette âme ? Il lisait, me dit Simplicianus, la sainte Ecriture, il faisait une étude assidue et profonde de tous les livres chrétiens, et disait à Simplicianus, loin du monde, en secret et dans l’intimité « Sais-tu que me voilà chrétien ? Je ne le croirai pas, répondait son ami, je ne te compterai pas au nombre des chrétiens, que je ne t’aie vu dans l’église du Christ. » Et lui reprenait avec ironie : « Sont-ce donc les murailles qui font le chrétien ? » Il répétait souvent qu’il était décidément chrétien ; même réponse de Simplicianus, même ironie des murailles. Il appréhendait de blesser ses amis, superbes démonolâtres, et il s’attendait que de ces sommets de Babylone, de ces cèdres du Liban que Dieu n’avait pas encore brisés ( Ps. XXVIII, 5), il roulerait sur lui d’accablantes inimitiés.

Mais en plongeant plus profondément dans ces lectures, il y puisa de la fermeté, il craignit « d’être désavoué du Christ devant ses saints anges, s’il craignait de le confesser devant les hommes (Matth. X, 33) ; » et reconnaissant qu’il serait coupable d’un grand crime s’il rougissait des sacrés mystères de l’humilité de votre Verbe, lui qui n’avait pas rougi des sacriléges mystères de ces démons superbes dont il s’était rendu le superbe imitateur, il dépouilla toute honte de vanité, et revêtit la pudeur de la vérité, et tout à coup, il surprit Simplicianus par ces mots : « Allons à l’église ; je veux être chrétien ! » Et lui, ne se sentant pas de joie, l’y conduisit à l’instant. Aussitôt qu’il eut reçu les premières instructions sur les mystères, il donna son nom pour être régénéré dans le baptême, à l’étonnement de Rome, à la joie de l’Eglise. Les superbes, à cette vue, frémissaient, ils grinçaient des dents, ils séchaient de rage ( Ps. XCI, 10) mais votre serviteur, ô Dieu, avait son espérance au Seigneur, et il ne voyait plus les vanités et les folies du mensonge (Ps. XXXIX, 5).

5. Puis, quand l’heure fut venue de faire la profession de foi, qui consiste en certaines paroles retenues de mémoire, et que récitent ordinairement d’un lieu plus élevé, en présence des (430) fidèles de Rome, ceux qui demandent l’accès de votre grâce ; les prêtres, ajouta Simplicianus, offrirent à Victorinus de réciter en particulier, comme