Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/487

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circoncision du cœur et des lèvres. Que vos Ecritures soient mes chastes délices. Que je n’y trouve ni à m’égarer, ni à égarer les autres. Voyez, Seigneur ; ayez pitié, Seigneur mon Dieu, lumière des aveugles, vertu des faibles ; encore leur lumière et leur vertu, quand ils ont recouvré la vue et la force ; voyez mon âme, entendez ses cris du fond de l’abîme. Car, là même, si vous n’y êtes pas aux écoutes, où adresser nos pas et nos cris ?

« A vous est le jour, à vous est la nuit ( Ps. LXXIII, 16) » D’un coup d’œil, vous réglez le vol des moments. Faites-moi largesse de temps pour méditer les secrets de votre loi ; ne la fermez pas à ceux qui frappent. Car ce n’est pas en vain que vous avez dicté tant de pages mystérieuses : forêts sacrées, n’ont-elles pas aussi leurs cerfs qui se retirent, s’abritent, courent, se reposent, paissent et ruminent sous leur ombre ? Seigneur, amenez-moi à votre perfection ; révélez-moi ces mystères. Oh ! votre parole est ma joie ; votre voix m’est plus douce que le charme des voluptés. Donnez-moi ce que j’aime ; votre voix est mon amour, et vous m’avez donné de l’aimer. Ne soyez pas infidèle à vos dons ; ne dédaignez pas votre pauvre plante que la soif dévore. Que je proclame à votre gloire toutes mes découvertes dans vos saints livres ! Que j’écoute la voix, de vos louanges (Ps. XXV, 7) ! Que je m’enivre de vous, en considérant les merveilles de votre loi, depuis ce jour premier-né des jours où vous avez fait le ciel et la terre, jusqu’à notre avènement au royaume de votre cité sainte.

4. Seigneur, ayez pitié de moi, exaucez mes vœux. Rien de la terre, je crois, n’est leur objet ; ni l’or, ni l’argent, ni les pierres précieuses, ni le luxe, ni les honneurs, ni la puissance, ni les plaisirs de la chair, ni les besoins qui nous suivent dans le trajet de la vie ; toutes choses d’ailleurs données par surcroît à qui cherche votre royaume et votre justice (Matth. VI, 33). Voyez, Seigneur mon Dieu, où s’élance mon désir. « Les impies m’ont raconté leur ivresse ; mais qu’est-ce auprès de votre loi, Seigneur (Ps. CXVIII) ? » Et voilà où mes vœux aspirent. Voyez, ô Père, regardez, voyez et agréez ; que sous l’œil propice de votre miséricorde, je frappe à la porte de vos paroles saintes, et que la grâce m’ouvre leur sanctuaire. Je vous en conjure par Notre-Seigneur Jésus-Christ, votre Fils, l’homme de votre droite, fils de l’homme, que vous vous êtes fait (Ps. LXXIX, 18) médiateur entre vous et nous, par qui vous nous avez cherchés, quand nous n’étions plus en quête de vous, afin que cette sollicitude réveillât la nôtre. Je vous en conjure, au nom de votre Verbe, par qui vous avez fait toutes vos créatures, dont je suis ; au nom de votre Fils unique, par qui vous avez appelé à l’adoption le peuple des croyants, dont je suis encore ; au nom de Celui qui est assis à votre droite et y intercède pour nous ; « en qui sont cachés tous les trésors de « la sagesse et de la science (Coloss. II, 3) ; » c’est lui que je cherche dans vos livres saints. Moïse a écrit de lui (Jean V, 46) : C’est lui-même, c’est la Vérité, qui l’a dit.

Chapitre III, Il implore la vérité, qui a parlé par Moïse.

5. Oh ! que j’entende, que je comprenne comment, dans le PRINCIPE, vous avez créé le ciel et la terre (Gen,. I, 1) ! Moïse l’a écrit ; il l’a écrit et s’en est allé ; il a passé outre, allant de vous à vous ; et il n’est plus là devant moi. Que n’est-il encore ici-bas ! je m’attacherais à lui, et je le supplierais, et je le conjurerais en votre nom de me dévoiler ces mystères, et j’ouvrirais une oreille aride aux accents de ses lèvres. S’il me répondait dans la langue d’Héber, ce ne serait qu’un vain bruit qui frapperait mon organe, sans faire impression à mon esprit ; s’il me parlait dans la mienne, je l’entendrais ; mais d’où saurais-je qu’il me dirait la vérité ? et, quand je le saurais, le saurais-je de lui ? Non, ce serait au dedans de moi, dans la plus secrète résidence de ma pensée, que la vérité même, qui n’est ni hébraïque, ni grecque, ni latine, ni barbare, parlant sans organe, sans voix, sans murmure de syllabes, me dirait : Il dit vrai ; et aussitôt, dans une pleine certitude, je dirais à ce saint serviteur : Tu dis vrai. Mais je ne puis l’interroger ; c’est donc vous, ô Vérité ! dont il était plein ; c’est vous, mon Dieu, que j’implore ; oubliez mes offenses, et ce que vous avez donné d’écrire à votre grand Prophète, oh ! donnez-moi de l’entendre. (475)