Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/505

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23. Je veux m’entretenir un instant en votre présence, ô mon Dieu ! avec ceux qui reconnaissent pour véritables toutes les révélations dont la parole de votre vérité a éclairé mon âme. Pour ceux qui les nient, qu’ils s’assourdissent eux-mêmes tant qu’ils voudront de leurs aboiements ; je les inviterai de toutes mes forces à rentrer dans le calme, pour préparer en eux la voie à votre Verbe. S’ils s’y refusent, s’ils me repoussent, je vous en supplie, mon Dieu, « ne me laissez pas dans votre silence (Ps. XXVII, 1) ; » oh ! parlez à mon cœur en vérité : car il n’appartient qu’à vous de parler ainsi ; et ces insensés, qu’ils restent dehors soulevant de leur souffle la terre poudreuse qui aveugle leurs yeux ; et j’entrerai dans le plus secret de mon âme ; et mes chants vous diront mon amour ; et mes gémissements, les ineffables souffrances de mon pèlerinage, et mon cœur, toujours élevé en haut dans la chère souvenance de Jérusalem, n’aura de soupirs que pour Jérusalem, ma patrie, Jérusalem, ma mère, Jérusalem et vous, son roi, son soleil, son père, son protecteur, son époux, ses chastes et puissantes délices, son immuable joie ; joie au-dessus de toute parole ; sa félicité parfaite, son bien unique et véritable, vous, le seul bien, le bien en vérité et par excellence ; non, mes soupirs ne se tairont pas que vous ne m’ayez reçu dans la paix de cette mère chérie, dépositaire des prémices de mon esprit, foyer d’où s’élancent vers moi toutes ces lumières ; et que votre main n’ait rassemblé les dissipations, réformé les difformités de mon âme, pour la soutenir dans une impérissable beauté, ô ma miséricorde ! ô mon Dieu !

Quant à ceux qui ne contestent point ces vérités, dont la vénération, d’accord avec la nôtre, élève au plus haut point d’autorité les saintes Ecritures tracées par Moïse, votre saint serviteur, mais qui trouvent à reprendre dans mes paroles, voici ce que je leur réponds : « Seigneur notre Dieu, soyez l’arbitre entre mes humbles révélations et leurs censures. »

Chapitre XVII, Ce que l’on doit entendre par le ciel et la terre.

24. Tout cela est vrai, disent-ils ; mais ce n’est pas ces deux ordres de créatures que Moïse avait en vue lorsqu’il écrivait sous la dictée du Saint-Esprit : « Dans le principe, Dieu fit le ciel et la terre ( Gen. I, 1). » Non, il n’a pas désigné par le ciel une essence spirituelle ou intelligente, ravie dans l’éternelle contemplation de Dieu, ni par la terre une matière informe. — Qu’entend-il donc ? — Ce que nous disons, répondent-ils ; il n’entend pas, il n’exprime pas autre chose que nous. — Quoi donc enfin ? — Sous les noms de ciel et de terre, il a d’abord compris sommairement et en peu de mots tout ce monde visible, pour distinguer ensuite en détail, selon le nombre des jours, ce qu’il a plu au Saint-Esprit de nommer en général le ciel et la terre. Car, s’adressant au peuple juif, à ce troupeau d’hommes grossiers et charnels, il ne voulait lui signaler que la partie visible des œuvres de Dieu. Mais par « cette terre invisible et informe, par cet abîme de ténèbres » qui servit de matière à l’œuvre successive des six jours, à la création et à l’ordonnance de ce monde visible, ils m’accordent que l’on peut entendre cette matière informe dont j’ai parlé.

25. Un autre dira peut-être que cette confusion de matière informe a été d’abord désignée sous le nom de ciel et terre, parce qu’elle est comme la matière de ce monde visible et de l’ensemble des natures qui s’y manifestent, souvent appelées ainsi. Ne peut-on pas dire aussi que c’est avec assez de raison que toutes les substances invisibles et visibles sont dénommées ciel et terre ; et que ces deux termes comprennent la création entière accomplie dans le Principe, c’est-à-dire dans la Sagesse divine ; mais que tous les êtres étant sortis du néant, et non de la substance de Dieu, puisqu’ils ne participent pas à sa nature et qu’ils ont en eux-mêmes le principe de la mutabilité, soit qu’ils demeurent comme l’éternelle maison du Seigneur, soit qu’ils changent comme l’âme et le corps de l’homme ; la matière de toutes choses visibles et invisibles encore dénuée de la forme, capable toutefois de la recevoir pour devenir le ciel et la terre, a été justement nommée « terre invisible et informe, abîme de ténèbres, » sauf cette distinction nécessaire entre la terre (493) invisible