Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/506

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et sans ordre ou la matière corporelle avant l’investiture de la forme ; et les ténèbres répandues sur l’abîme ou la matière spirituelle avant la compression de sa fluide mobilité et le « FIAT LUX » de votre sagesse.

26. Un autre peut dire encore, s’il lui plaît, que ces paroles de l’Ecriture : « Dans le principe Dieu fit le ciel et la terre, » ne sauraient s’entendre des créatures invisibles et visibles arrivées à la perfection de leur être ; mais qu’elles désignent une informe ébauche de forme et de création, germe obscur où s’agitaient confusément, sans distinction de formes et de qualités, les substances qui, dans l’ordre où elles sont aujourd’hui disposées, s’appellent le ciel ou le monde des esprits, la terre ou le monde des corps.

Chapitre XVIII, On peut donner plusieurs sens a l’écriture.

27. J’écoute, je pèse ces opinions ; mais loin de moi toute dispute. « La dispute n’est bonne qu’à ruiner la foi des auditeurs ( II Tim. II, 4), tandis que la loi édifie « ceux qui en savent le bon usage ; son but est l’amour qui naît d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère (I Tim. I, 8, 5), » et le divin Maître n’ignore pas quels sont les deux commandements où il a réduit la loi et les prophètes (Matth. XXII, 40). Que m’importe donc, ô mon Dieu, ô lumière de mes yeux intérieurs, que m’importe, tant que mon amour confesse votre gloire, que ces paroles soient susceptibles d’interprétations différentes ? Que m’importe, dis-je, qu’un autre tienne pour le sens vrai de Moïse, un sens étranger au mien ? Nous cherchons tous dans la lecture de ces livres, à pénétrer et à comprendre la pensée de l’homme de Dieu, et le reconnaissant pour véridique, oserions-nous lui attribuer ce que nous savons ou croyons faux ? Ainsi donc, tandis que chacun s’applique à trouver l’intention de l’auteur inspiré, où est le mal, si à votre clarté, ô lumière des intelligences sincères, je découvre un sens que vous me démontrez véritable, quoique ce sens ne soit pas le sien, et, malgré cette différence, laisse le sien dans toute sa vérité ?

Chapitre XIX, Vérités incontestables.

28. C’est une vérité, Seigneur, que vous avez créé le ciel et la terre, c’est une vérité que votre Sagesse est le principe en qui vous avez créé toutes choses ( Ps. CIII, 24) ; c’est une vérité que ce monde visible présente deux grandes divisions, le ciel et la terre, et que ces deux mots résument toutes les créatures. C’est une vérité que tout être muable nous suggère l’idée d’une certaine informité, ou susceptibilité de forme, d’altération et de changement. C’est une vérité que le temps est sans pouvoir sur l’être muable par sa nature, mais immuable par son intime union avec la forme immuable. C’est une vérité, que l’informité, ce presque néant, est également exempte des révolutions du temps. C’est une vérité que la matière d’une entité peut porter par anticipation le nom de cette entité même ; qu’ainsi on a pu nommer le ciel et la terre, ce je ne sais quoi d’informe, dont le ciel et la terre ont été formés. C’est une vérité, que de toutes les réalités formelles, rien n’est plus voisin de l’informité que la terre et l’abîme. C’est une vérité que tout être créé et formé, que toute possibilité de création et de forme, est votre ouvrage, ô Principe de toutes choses ! C’est une vérité, que tout être informe qui est formé, était d’abord dans l’informité pour passer à la forme.

Chapitre XX, Interprétations diverses des premières paroles de la genèse.

29. De toutes ces vérités, dont ne doutent point ceux à qui vous avez fait la grâce d’ouvrir les yeux de l’âme et de croire fermement que Moïse n’a parlé que suivant l’Esprit de vérité, l’un en choisit une et dit : « Dans le principe, Dieu fit le ciel et la terre, » c’est-à-dire Dieu fit dans son Verbe, coéternel à lui-même, des créatures intelligentes ou spirituelles, sensibles ou corporelles. Un autre : « Dans le principe, Dieu fit le ciel et la terre, » c’est-à-dire Dieu fit dans son Verbe, coéternel à lui-même, ce monde corporel avec cet ensemble de réalités évidentes à nos yeux et à notre esprit.

Cet autre : « Dans le principe, Dieu fit le ciel « et la terre, » c’est-à-dire dans son Verbe coéternel à lui-même, Dieu fit la matière informe (494) de toute création spirituelle et