Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/512

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Chapitre XXX, L’Écriture veut être interprétée en Esprit de charité.

41. Que la vérité même établisse l’union entre tant d’opinions de vérité différente ! Que la miséricorde du Seigneur nous permette de faire un légitime usage de la loi, en la rapportant au précepte de l’amour ! Ainsi donc, si l’on me demande quel est, suivant moi, le sens de Moïse, ce n’est pas l’objet de mes confessions. Si je ne le publie pas devant vous, c’est que je l’ignore. Et je sais pourtant que toutes ces opinions sont vraies, sauf ces pensers charnels, dont j’ai parlé. Et ceux qui tombent dans ces pensers sont néanmoins du nombre de ces petits d’heureuse espérance, qui ne s’effarouchent pas des paroles sacrées ; ces paroles. si sublimes dans leur humilité, si prodigues dans leur parcimonie. Pour nous, qui, j’ose le dire, n’interprétons le texte saint que suivant la vérité, si c’est pour elle-même et non pour la vanité de nos sentiments que notre cœur soupire, aimons-nous mutuellement ; aimons-nous en vous, ô Dieu, source de vérité, et honorons votre serviteur, oracle de votre Esprit, dispensateur de vos Ecritures ; et que notre vénération nous préserve de douter qu’en les écrivant sous votre dictée, il n’ait aperçu les lumières les plus vives et les fruits les meilleurs.

Chapitre XXXI, Moïse a pu entendre tous les sens véritables qui peuvent se donner à ses paroles.

42. Tu me dis : « Le sens de Moïse est le « mien ; » et il me dit : « Non, le sens de Moïse est le mien ; » et moi je dis avec plus de piété : Pourquoi l’un et l’autre ne serait-il pas le sien, si l’un et l’autre est véritable ? Et j’en dis autant d’un troisième, d’un quatrième, d’un autre sens quelconque avoué de la vérité ; pourquoi refuserais-je de croire qu’ils ont été vus par ce grand serviteur du seul Dieu, dont la parole toute divine se prête à la variété de tant d’interprétations vraies ?

Pour moi, je le déclare hardiment, et du fond du cœur, si j’écrivais quelque chose qui dût être investi d’une autorité suprême, j’aimerais mieux contenir tous les sens raisonnables qu’on pourrait donner à mes paroles, que de les limiter à un sens précis, exclusif de toute autre pensée, n’eût-elle même rien de faux qui pût blesser la mienne. Loin de moi, mon Dieu, cette témérité de croire qu’un si grand prophète n’eût pas mérité de votre grâce une telle faveur ! Oui, il a eu en vue et en esprit, lorsqu’il traçait ces paroles, tout ce que nous avons pu découvrir de vrai ; toute vérité qui nous a fui ou nous fuit encore, et qui toutefois s’y peut découvrir.

Chapitre XXXII, Tous les sens véritables prévus par le Saint-Esprit.

43. Enfin, Seigneur, qui n’êtes pas chair et sang, mais Dieu, si l’homme n’a pas tout vu, votre Esprit Saint, mon guide vers la terre des vivants (Ps. CXLII, 10), pouvait-il ignorer tous les sens de ces paroles dont vous deviez briser les sceaux dans l’avenir, quand même votre interprète ne les eût entendues qu’en l’un des sens véritables qu’elles admettent ? Et, s’il est ainsi, la pensée de Moïse est sans doute la plus excellente. Mais, ô mon Dieu, ou faites-nous la connaître, ou révélez-nous cette autre qu’il vous plaira, et, soit que vous nous découvriez le même sens que vous avez dévoilé à votre serviteur, soit qu’à l’occasion de ces paroles, vous en découvriez un autre, que votre vérité soit notre aliment et nous préserve d’être le jouet de l’erreur.

Est-ce assez de pages, Seigneur mon Dieu, en est-ce assez sur ce peu de vos paroles ? Et quelles forces et quel temps suffiraient à un tel examen de tous vos livres ? Permettez-moi donc de resserrer les témoignages que j’en recueille à la gloire de votre nom ; que, dans cette multiplicité de sens qui se sont offerts et peuvent s’offrir encore à ma pensée, votre inspiration fixe mon choix sur un sens vrai, certain, édifiant, afin que, s’il m’arrive de rencontrer celui de votre antique ministre, but où mes efforts doivent tendre, cette fidèle confession vous en rende grâces ; sinon, permettez-moi du moins d’exprimer ce que votre vérité voudra me faire publier sur sa parole, comme elle lui a inspiré à lui-même la parole qui lui a plu. (500)