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HISTOIRE DE SAINT AUGUSTIN.

assisté à la lutte et ceux qui lurent les actes de la conférence furent ramenés à la vérité catholique.

Une déplorable coutume chez les chrétiens d’Afrique avait plus d’une fois attristé la piété d’Augustin. Sous prétexte d’honorer la mémoire des martyrs, on passait des journées en festins autour des tombeaux des confesseurs de la foi ou dans les églises. Une lettre d’Augustin de l’année 392, adressée à Aurèle, évêque de Carthage, signale ces désordres. Le prêtre d’Hippone sollicite un concile pour détruire ces abus. L’Église de Carthage devra prendre l’initiative. « Ces choses-là, je pense, ne se suppriment pas rudement, durement ou même par ordre : mais par des instructions plus que par des prescriptions, par des avis plus que par des menaces. C’est ainsi qu’on doit agir avec la multitude ; il faut réserver la sévérité pour des fautes commises par un petit nombre de gens[1]. » Le petit peuple charnel, comme l’appelle Augustin, croyait que des festins sur les sépulcres soulageaient les âmes de ceux qui ne sont plus. Il y avait une plus sûre manière d’être utile aux morts : les fidèles n’avaient qu’à distribuer aux pauvres ce qu’ils voulaient offrir sur les tombeaux de leurs proches. Nous trouvons ici la preuve que les oblations pour les morts étaient en usage dans l’Église catholique dès le quatrième siècle.

La première lettre d’Augustin contre les donatistes appartient à l’année 392. Elle est adressée à Maximin, évêque donatiste de Sinit, l’ancienne Sunites ou Simites, qui s’élevait sur la route d’Hippone à Carthage. Augustin lui reproche d’avoir rebaptisé un diacre catholique ; il a d’éloquentes paroles lorsqu’il excite le courage religieux et la piété de Maximin, et qu’il l’invite à placer, la vérité au-dessus de toute considération humaine. « La gloire de ce siècle passe, lui dit Augustin, tout ce qui nous séduit ici-bas n’a qu’un jour. Au jour du jugement du Christ, les évêques ne seront défendus ni par leurs sièges élevés, ni par les tentures de leurs chaires, ni par les troupes de vierges sacrées qui vont au-devant d’eux en chantant des cantiques : tous ces honneurs ne leur serviront de rien quand la conscience accusera et que l’arbitre des consciences jugera : les honneurs du temps seront alors des fardeaux, et ce qui aujourd’hui relève, écrasera[2]. » Augustin s’afflige de cette réitération du baptême qui violait un principe fondamental de notre foi. Des Juifs qui voyaient Jésus-Christ pendu à une croix n’ont pas voulu déchirer sa robe, et des chrétiens qui croient qu’il est assis dans le ciel à la droite de son père, osent anéantir son sacrement !

Maximin reviendra dans la suite à l’unité catholique.

Nous venons de voir la première lettre d’Augustin contre le schisme de Donat. Voici son premier ouvrage contre ce schisme ; il est de 393 : c’est un psaume en prose composé d’autant de strophes qu’il y a de lettres dans l’alphabet[3] ; chaque strophe renferme douze versets. Cet abécédaire, fait pour être chanté, destiné à la multitude des fidèles, est un résumé des erreurs des donatistes, de leur histoire, de leurs diverses condamnations, et des raisons les plus frappantes pour mettre la foule des catholiques en garde contre le schisme. Il est net, simple et précis. Le verset : « Ô vous tous qui mettez votre joie dans la paix, jugez de la vérité, » revient à la suite de chaque strophe. Le chant se termine par une prosopopée : c’est l’Église elle-même qui s’adresse aux donatistes en termes graves et touchants.

Le livre contre Adimante, le célèbre disciple de Manès, composé en 393, conciliait les prétendues contradictions que les manichéens croyaient trouver entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Moïse dit dans la Genèse que Dieu créa le ciel, la terre et la lumière ; l’Évangile dit que le monde a été fait par le Verbe qui est Jésus-Christ. Augustin répond que tout chrétien, en lisant la Genèse, reconnaît dans le Dieu créateur l’être infini subsistant en trois personnes dont la seconde a été le sauveur des hommes. Moïse nous montre Dieu se reposant après la création du monde, et, d’après les paroles de Jésus-Christ dans l’Évangile, le père agit sans cesse. Augustin répond que le repos dont il est question dans la Genèse marque seulement la fin de la création, et qu’il n’exclut pas l’action par laquelle Dieu conserve et gouverne continuellement le monde. D’après la Genèse, l’homme est fait à l’image de Dieu, et nous lisons dans l’Évangile ces mots adressés aux Juifs : Vous êtes les enfants du démon[4]. Augustin répond que l’imitation nous rend comme les enfants de ceux que nous prenons pour modèles, et que l’enseignement nous

  1. Lettre 22.
  2. Lettre 23.
  3. Depuis la lettre A jusqu’à la lettre V.
  4. Saint Jean, VIII, 44.