Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
histoire de saint augustin.

jour. Quant aux paroles de l’Évangile sur les oiseaux et les lis, elles nous font songer à la Providence, nous invitent à ne pas trop nous préoccuper des besoins d’ici-bas, mais ne nous affranchissent point de la loi du travail. Les paresseux de la terre n’ont pas le droit d’interpréter à leur profit cet Évangile qui nous ordonne de ne pas chercher le repos tant que dure le voyage.

Augustin voulait que les moines employassent une partie de leur temps aux labeurs manuels. Lui-même prenait Jésus à témoin qu’il aurait mieux aimé travailler de ses mains à certaines heures et consacrer les autres heures à la prière et à l’étude des Écritures, que d’être tristement obligé, en qualité d’évêque, de s’occuper des affaires d’autrui, de juger des procès, et de porter le poids d’innombrables soucis. Les moines auxquels il commandait le travail n’auraient pas pu, sans injustice, l’accuser de mettre sur leurs épaules des fardeaux qu’il aurait à peine touchés du bout du doigt. Augustin ne parlait que de ses charges et de ses soucis d’évêque. Mais quelle vie fut plus laborieuse que la sienne ? quel homme plus qu’Augustin eut jamais le droit de prescrire le travail ?

Les cénobites, ennemis du travail manuel, portaient de longs cheveux, imitant encore en cela les oiseaux, qui ne se dépouillent pas de leur plumage ; Augustin les avertit avec sa charité accoutumée ; ils craignaient qu’une sainteté tondue n’obtînt moins de respect qu’une sainteté chevelue. L’évêque d’Hippone leur cite ces mots de l’Apôtre : « Quand vous passerez au Christ, le voile sera ôté. » Il faut entendre par là, ajoute l’évêque, le voile qui était placé entre la face de Moïse et le peuple d’Israël, et, dans les temps chrétiens, la chevelure des saints. Le grand Apôtre avait dit aussi : « L’homme ne doit pas voiler sa tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu. » Augustin veut donc que la tête des moines soit tondue et couverte d’un cilice.

Notre docteur ne fut pas le seul personnage de l’Église qui prescrivit aux moines le travail des mains. Saint Grégoire de Nazianze et saint Basile, dans leurs constitutions monastiques, saint Jean Chrysostome dans beaucoup de passages de ses homélies, saint Jérôme, saint Ephrem, saint Euthème, le concile d’Autun, saint Bernard, ont établi l’importance des labeurs manuels pour les cénobites : en effet, quel plus puissant moyen de dompter le corps, de l’asservir à la loi morale ? Au xviie siècle, Mabillon, qui avait à venger la gloire des Bénédictins, plaida la cause de l’étude contre Rancé, le grand réformateur de la Trappe.




CHAPITRE SEIZIÈME.




Trois livres contre la lettre de Parménien. — Les sept livres du Baptême contre les Donatistes.

Il nous suffira d’indiquer le livre des Annotations sur Job, et nous nous arrêterons aux trois livres Contre la lettre de Parménien. Ce Parménien avait été évêque des donatistes à Carthage. Il n’appartenait pas à l’Afrique ; saint Optat[1] l’appelle deux fois peregrinum (étranger). Les donatistes cherchaient au loin des prosélytes ; Parménien fut un de ceux qu’ils attachèrent à leur cause. Sa lettre, réfutée par Augustin, était adressée à un donatiste appelé Tichonius, homme d’un esprit vif et d’une abondante élocution ; celui-ci proclamait l’universalité de l’Église, tout en demeurant dans le schisme africain ; les donatistes le condamnèrent dans un concile. Parménien avait entrepris de prouver à Tichonius que la véritable Église ne devait pas être répandue par toute la terre. Ses assertions, fondées sur une interprétation inexacte des livres saints, offraient des dangers pour les fidèles, et ce fut d’après l’ordre de ses frères[2] que l’évêque d’Hippone renversa l’œuvre de Parménien.

Dans le premier livre de sa Réponse, Augustin établit, par l’Ancien et le Nouveau

  1. Du schisme des donatistes.
  2. Jubentibus fratribus.