Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/130

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servant de lui, afin de vous diriger, si vous l’écoutez, dans la voie pour laquelle les grands devoirs d’évêque vous ont été imposés.

LETTRE LXXXVI.

(Année 405.)

Saint Augustin appelle l’attention de Cécilien, gouverneur de Numidie, sur les violences des donatistes dans le pays d’Hippone.

AUGUSTIN, ÉVÊQUE, A SON ILLUSTRE SEIGNEUR CÉCILIEN, SON HONORABLE ET VRAIMENT ADMIRABLE FILS DANS LA CHARITÉ DU CHRIST, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

L’éclat de votre administration et la renommée de vos vertus, la sincérité de votre piété chrétienne et la confiance sincère qui vous porte à vous réjouir des dons divins en Celui qui vous les fait, qui vous en promet et de qui vous en espérez de plus considérables encore ; tous ces motifs m’ont excité à partager avec votre Excellence, dans cette lettre, le poids de mes soucis. Autant nous nous félicitons de ce que vous avez fait d’admirable en d’autres pays d’Afrique, au profit de l’unité catholique, autant nous nous affligeons que la contrée d’Hippone et les lieux voisins qui confinent à la Numidie, n’aient point encore mérité d’être secourus par la vigueur de votre édit présidial, ô seigneur illustre, bien honorable et vraiment admirable fils dans la charité du Christ ! Chargé à Hippone du fardeau épiscopal, j’ai cru devoir en avertir votre Grandeur, de peur que mon silence ne me fit accuser de négliger mes devoirs. Vous saurez aussi à quels excès d’audace en sont venus les hérétiques dans le pays où je suis, si vous daignez entendre ceux de nos frères et collègues qui pourront en informer votre Eminence, ou si vous voulez bien écouter le prêtre que je vous envoie avec cette lettre ; et, le Seigneur notre Dieu aidant, vous ferez en sorte, sans doute, que l’enflure d’un orgueil sacrilège soit guérie par la crainte plutôt que coupée au vif par la punition.

LETTRE LXXXVII.

(Année 404.)

Rien de plus habile, de plus serré, de plus concluant que cette lettre à un évêque donatiste ; saint Augustin va droit à l’origine du schisme et ne laisse aucune issue à son adversaire.

AUGUSTIN A SON DÉSIRABLE ET CHER FRÈRE ÉMÉRITE[1].

1. Lorsque j’apprends qu’un homme de bon esprit et instruit dans les belles-lettres (où ne se place pas, d’ailleurs, le salut de l’âme), pense sur une question facile, autrement que ne veut la vérité ; plus je m’en étonne, plus je brûle de le connaître et de converser avec lui ; ou, si je ne le puis, je désire au moins, à l’aide de lettres qui volent au loin, arriver à son esprit, et je souhaite qu’il arrive au mien. J’entends dire que vous êtes dans ce cas, et que, pour je ne sais quelle raison, vous demeurez, à mon regret, séparé de l’Église catholique, qui, selon les promesses de l’Esprit-Saint, s’étend dans le monde entier. Car il est certain que le parti de Donat est inconnu à une grande partie de l’univers romain, sans compter les nations barbares auxquelles l’Apôtre se déclarait également redevable[2], et avec qui nous sommes en communion de croyance chrétienne ; et qu’on n’y connaît absolument ni l’époque ni les causes de cette dissension funeste. Si vous n’avouez pas que tous ces chrétiens sont innocents des crimes que vous reprochez à des Africains, vous êtes forcés de vous regarder tous comme souillés de tous les méfaits commis au milieu de vous par les gens perdus que vous ne connaissez pas et que je ne veux point caractériser plus sévèrement. N’est-il pas vrai que vous ne chassez quelquefois de votre communion, ou que vous n’expulsez pas le coupable sitôt qu’il a commis l’acte pour lequel on doit l’expulser ? Le mal qu’il a fait ne reste-t-il pas quelque temps inconnu, et la mise en lumière et la preuve du crime ne précèdent-elles pas sa condamnation ? Je vous le demande, vous souillait-il pendant qu’il vous demeurait caché ? Vous me répondrez nullement. Ce qui serait toujours resté caché ne vous aurait donc jamais souillés. Il

  1. Emérite était évêque donatiste à Césarée, aujourd’hui Cherchell.
  2. Rom. I, 4