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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/203

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du Christ ? Vos gens lui ont dressé en chemin des embûches à la manière des voleurs, et comme il n’y était point tombé, ils se sont déclarés ouvertement, ils ont mis le feu à la maison où il avait cherché un refuge au domaine de Lives ; et il aurait été brûlé vif, si les paysans de cette terre, se voyant eux-mêmes en danger, n’avaient éteint trois fois les flammes. Et cependant lorsque Crispin a été, à cause de ce fait, cité devant le proconsul et condamné comme hérétique au paiement de dix livres d’or, l’intervention de ce même évêque Possidius l’a affranchi de cette amende. Sans tenir compte d’une telle bienveillance, d’une telle mansuétude, Crispin a osé en appeler aux empereurs catholiques ; c’est ce qui vous a attiré, avec une sévérité nouvelle, cette colère de Dieu contre laquelle vous murmurez.

5. Vous voyez que vous vous insurgez violemment contre la paix du Christ, et que vous ne souffrez pas pour lui-même, mais pour vos propres iniquités. Quelle est cette démence de mal vivre, de commettre des brigandages, et de prétendre à la gloire des martyrs lorsque la loi vous frappe ! Si par un excès d’audace personnelle vous contraignez violemment les hommes à embrasser l’erreur ou à y rester ; ne devons-nous pas plutôt, appuyés sur les puissances les plus légitimes que Dieu a soumises au Christ selon sa prophétie, résister à vos fureurs pour délivrer de votre domination des âmes malheureuses, les arracher à une vieille erreur et les accoutumer à la lumière de la vérité ? Vous dites que nous forçons des gens qui ne veulent pas revenir, mais il en est beaucoup qui demandent qu’on les force ; c’est ce qu’ils nous avouent avant et après leur retour religieux, nous déclarant qu’au moins ils échappent ainsi à votre tyrannie.

6. Et toutefois, qu’y a-t-il de mieux, de produire de vrais ordres des empereurs pour l’unité ou de faux témoignages de condescendance au profit de la perversité ? C’est ce que vous avez fait, et vous avez rempli l’Afrique entière de vos mensonges. En cela vous n’avez montré rien autre sinon que recourant toujours au mensonge, le parti de Donat est faible et livré à tous les vents : « Celui qui met sa confiance dans les faussetés, dit l’Écriture, se repaît de vents[1]. » Ces immunités impériales en votre faveur sont aussi vraies que les crimes de Cécilien et de Félix d’Aptonge son ordinateur, aussi vraies que tout ce que vous avez coutume de répéter contre les catholiques pour éloigner les malheureux et vous éloigner misérablement vous-mêmes de la paix de l’Église du Christ. Pour nous, nous ne plaçons notre force dans aucune puissance humaine, quoiqu’il vaille mieux se confier aux empereurs qu’aux circoncellions, et s’appuyer sur les lois que sur les désordres populaires. Cependant nous nous souvenons de ces paroles de l’Écriture « Maudit soit celui qui met son espérance dans l’homme[2]. » Si donc vous voulez savoir en qui nous nous confions, pensez à Celui dont le prophète a dit : « Tous les rois de la terre l’adoreront, et toutes les nations lui seront soumises[3]. » Telle est la puissance dont nous nous servons, dans l’intérêt de l’Église ; nous nous en servons, parce que le Seigneur la lui a promise et donnée.

7. Si, ce qu’à Dieu ne plaise, les empereurs étaient dans l’erreur, ils publieraient des lois contre la vérité, des lois qui deviendraient pour les justes une occasion d’épreuve et de récompense, parce qu’ils refuseraient de faire ce que Dieu lui-même a défendu. Ainsi Nabuchodonosor aurait voulu faire adorer sa statue d’or ; ceux qui s’y refusèrent furent agréables à Dieu qui le défendait. Mais quand les empereurs sont dans la vérité, ils donnent des ordres pour elle et contre l’erreur, et quiconque les méprise se fait condamner ; il est puni au milieu des hommes et ne trouvera pas grâce devant Dieu, celui qui aura refusé d’observer ce que la vérité elle-même ordonne par le cœur du roi. Ainsi encore, Nabuchodonosor, ému et changé à la vue de la miraculeuse conservation des trois jeunes gens, publia, en faveur de la vérité, une loi qui condamnait à mort les blasphémateurs du Dieu de Sidrach, de Misach et d’Abdénago, et leur maison à la ruine ; et vous ne voulez pas que les empereurs chrétiens ordonnent contre vous quelque chose de semblable, lorsqu’ils savent que vous soufflez sur le Christ chaque fois que vous rebaptisez ! S’il n’appartient pas aux rois de rien prescrire pour l’intérêt de la religion et pour empêcher les sacrilèges, pourquoi vous-mêmes faites-vous le signe de la croix à la lecture de l’édit de ce roi prescrivant des choses semblables ? Ignorez-vous que ces paroles sont celles de Nabuchodonosor : « Il m’a plu de publier les prodiges et les merveilles que le Seigneur Dieu

  1. le_Crampon_1923/Proverbes#Bible_Crampon_1923/ProverbesCH10|Prov, X, 4.]]
  2. Jérém. XVII, 5.
  3. Ps. LXXI, 11.