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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/75

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de jour en jour se renouvelle, est le temps de la croix.

25. Ces œuvres sont bonnes, mais pénibles, et le repos en est la récompense : aussi, pour que la pensée de ce repos futur nous excite à travailler et à souffrir avec, joie, est-il écrit « Réjouissez-vous dans l’espérance[1]. » Cette joie est représentée par la largeur de la croix, par la traverse où les mains sont clouées. Car nous entendons par les mains les œuvres, par la largeur – la joie de celui qui travaille, puisque la tristesse resserre ; par la hauteur où touche la tête l’espoir d’une rétribution de la sublime justice de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres, en donnant la vie éternelle à ceux qui parleur persévérance dans les bonnes œuvres cherchent la gloire ; l’honneur et l’immortalité[2]. Aussi la longueur sur laquelle tout le corps est étendu figure la patience ; (le là vient qu’on l’appelle la longanimité. Quant à l’extrémité qui fait comme la profondeur de la croix, et qui pénètre dans la terre, elle désigne la profondeur du mystère. Ainsi vous reconnaissez, si je ne me trompe, dans cette explication de la croix, un développement de ces paroles de l’Apôtre : « Afin qu’étant enracinés et fondés dans la charité, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur[3]. » Pour ce que nous ne voyons pas et ne tenons pas encore, mais que nous recherchons par la foi et l’espérance, il nous est représenté par les deux autres jours de la sépulture et de la résurrection. Car les actions que nous faisons maintenant, comme cloués dans la crainte de Dieu par les clous de ses préceptes, selon les paroles du Psalmiste : « Transpercez mes chairs par votre crainte[4], » sont nécessaires, mais elles ne sont ni à rechercher ni à désirer pour elles-mêmes. Aussi que désire l’Apôtre ? « Être dégagé des liens du corps et réuni au Christ. Mais demeurer dans la vie présente, c’est, dit-il, une chose nécessaire à cause de nous[5]. » Ce qu’il appelle être dégagé des liens du corps et réuni au Christ, est donc le commencement de ce repos qui n’est pas interrompu mais glorifié par la résurrection, et que maintenant nous ne possédons que par la foi, parce que le juste vit de la foi[6]. « Ignorez-vous, dit-il encore, que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés dans sa mort ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort[7]. » Comment, sinon par la foi ? Car ce repos n’est point complet pour nous ; nous gémissons encore ; nous attendons l’adoption divine, la délivrance de notre corps : « Car c’est en espérance que nous sommes sauvés ; or l’espérance qui se voit n’est pas l’espérance ; qui donc espère ce qu’il voit ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons par la patience[8]. »

26. Souvenez-vous de cela, je vous le répète souvent : gardons-nous donc de croire que nous devions être heureux dans cette vie et libres de toute peine ; dans les épreuves temporelles, gardons-nous de murmurer d’une bouche sacrilège contre Dieu, comme s’il ne tenait pas ce qu’il a promis. Il a promis à la vérité ce qui est nécessaire à cette vie ; mais autres sont les soulagements des misérables, autres les joies des bienheureux. « Seigneur, dit le Psalmiste[9], nos consolations ont rempli de joie mon âme, à proportion du grand nombre de douleurs qui l’ont pénétrée. » Donc ne murmurons pas dans les difficultés de notre vie, pour ne perdre pas cette largeur de la joie dont il a été dit : « Réjouissez-vous dans l’espérance, » car on lit ensuite « Soyez patients dans la tribulation[10]. » Ainsi la vie nouvelle commence maintenant dans la foi et se soutient par l’espérance ; elle deviendra parfaite quand notre portion mortelle sera absorbée par la vie, quand la mort sera absorbée dans la victoire, quand cette dernière ennemie sera détruite, quand nous aurons été changés et que nous serons égaux aux anges : « Nous ressusciterons tous, dit l’Apôtre, mais nous ne serons pas tous changés[11]. » Et le Seigneur : « Ils seront égaux aux anges de Dieu[12]. » En ce monde nous sommes retenus dans la crainte par la foi ; mais, dans l’autre, nous retiendrons Dieu dans la charité par la vision. « Tant que nous sommes dans le corps, dit l’Apôtre, nous voyageons loin du Seigneur ; nous marchons par la foi et non par la claire vision[13]. » C’est pourquoi l’Apôtre ; qui poursuit sa course pour prendre le Christ comme il a été pris par lui, avoue qu’il n’a pu l’atteindre : « Mes frères, dit-il, je ne crois pas

  1. Rom. XII, 12
  2. Rom. II, 7
  3. Eph. III, 17-18
  4. Ps. CXVIII, 120
  5. Philip. I, 24
  6. Hab. II, 4
  7. Rom. VI, 3, 4
  8. Ibid. VIII, 24, 25
  9. Ps. XCIII, 19
  10. Rom. XII, 12
  11. I Cor. XV
  12. Luc, XX, 36
  13. II Cor. V, 6