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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/74

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et qui êtes chargés, et moi je vous soulagerai ; portez mon joug, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes[1]. » Quant aux autres préceptes du Décalogue, nous les observons tels quels et sans figures : c’est à la lettre que nous avons appris à ne pas adorer les idoles, à ne pas prendre en vain le nom du Seigneur notre Dieu, à honorer notre père et notre mère, à ne pas commettre d’adultère, à ne pas tuer, à ne pas voler, à ne pas porter un faux témoignage, à ne pas désirer la femme du prochain, à ne rien convoiter de ce qui appartient à autrui[2] ; ces commandements n’offrent rien de figuré ni de mystique ; on les observe comme ils sonnent à l’oreille. Mais il ne nous est pas ordonné d’observer à la lettre le jour du sabbat, par la cessation de tout labeur manuel, comme font les Juifs ; et la manière dont ils accomplissent ce précepte, si l’on n’y joint l’idée de quelque repos spirituel, nous semble ridicule. Aussi pensons-nous avec raison que tout ce qui est figure dans l’Écriture excite cet amour par lequel nous tendons au repos ; car il n’y a de figure dans le Décalogue que le précepte du repos, de ce repos que partout on cherche et on aime, et qu’on trouve véritablement et saintement en Dieu seul.

23. Toutefois, c’est par la résurrection du Sauveur que le sens mystérieux du dimanche a été manifesté, non aux Juifs, mais aux chrétiens, et depuis cette époque il est une solennité. En effet, les âmes de tous les saints, avant la résurrection du corps, sont dans le repos, mais non pas dans cette action qui animera les corps qu’elles auront repris, car une telle action nous est figurée par le huitième jour, qui est devenu comme le premier, et qui n’ôte pas ce repos, mais le glorifie. Car à la résurrection les difficultés de l’âme avec le corps ne reparaîtront plus, puisqu’il n’y aura plus de corruption : « Il faut, dit l’Apôtre, que ce corps corruptible soit revêtu d’incorruptibilité, et ce corps mortel, d’immortalité[3]. » C’est pourquoi, bien qu’avant la résurrection du Seigneur, les saints Pères, pleins de l’esprit prophétique, n’ignorassent point ce mystère de la résurrection caché dans le huitième jour, (car il y a un psaume intitulé : Pour le huitième jour[4], et les enfants étaient circoncis le huitième jour, et dans l’Ecclésiaste il est dit, pour la signification des deux Testaments : « Donnez sept aux uns, huit aux autres[5], ») il ne devait être mis au grand jour que plus tard, et la seule célébration du sabbat était ordonnée. Dès lors, en effet, les morts demeuraient dans le repos ; mais personne n’était encore ressuscité de manière à ne plus mourir, à n’être plus sous l’empire de la mort ; et pour que le jour du Seigneur, le huitième, le même que le premier, commençât à être célébré, il fallait cette résurrection du corps du Seigneur, il fallait voir s’accomplir, dans le chef même de l’Église, ce que le corps de l’Église espère à la fin des temps. Cette même raison fait comprendre aussi comment les Juifs, pour célébrer leur pâque, où ils devaient tuer et manger un agneau, évidente figure de la Passion du Seigneur, n’étaient pas obligés d’attendre ni un jour quelconque de sabbat, ni spécialement le sabbat qui tombe pendant le mois du renouvellement, dans la troisième semaine de la lune ; le Seigneur se réservait de consacrer ce jour par sa passion, comme il devait révéler par sa résurrection le mystère du dimanche, c’est-à-dire du jour qui est en même temps le huitième et le premier.

24. Considérez donc combien sont sacrés ces trois jours du crucifiement, de la sépulture et de la résurrection. Ce que représente le premier de ces trois jours, celui de la croix, c’est ce que nous accomplissons dans la vie présente ; mais ce que figurent la sépulture et la résurrection, nous le préparons par la Foi et, l’Espérance. Maintenant, en effet, on dit à l’homme : « Prenez votre croix et suivez-moi[6]. » Or la chair est crucifiée quand on mortifie les membres qui sont, sur la terre, la fornication, l’impureté, la luxure, l’avarice, et les autres vices dont l’Apôtre a dit : « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais, si vous faites mourir par l’esprit les œuvres de la chair, vous vivrez[7] ; » et en parlant de lui-même « Le monde est crucifié pour moi, et je le suis pour le monde[8]. » Ailleurs encore : « Sachons que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit détruit, et que, désormais, nous ne soyons plus asservis au péché[9]. » Ainsi tout le temps qui se passe laborieusement à détruire le corps du péché, à détruire l’homme extérieur, pour que l’homme intérieur

  1. Matt. XI, 28-29
  2. Exod. XX, 1-17 ; Deut. V, 6-21
  3. I Cor. XV, 53
  4. Ps. VI, 11
  5. Ecclés. XI, 2
  6. Matth. XVI, 24
  7. Rom. VIII, 13
  8. Gal. VI, 14
  9. Rom. VI, 6.