Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/81

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vous. Si vous avez eu la volonté ou le loisir de le lire au milieu même de vos occupations, pour vous instruire à cet égard, je ne doute pas que votre sagesse n’ait reconnu que les donatistes n’ont rien de plausible à y répondre. Et si vous gardez quelque doute, peut-être pourrons-nous vous satisfaire, autant que Dieu le permettra, ou en répondant de vive voix à vos questions, ou en vous donnant également quelque chose à lire, cher, honorable, digne seigneur et fils.

2. C’est pourquoi je vous demande de recommander l’unité catholique, dans le pays d’Hippone, à vos hommes, surtout à Paterne et à Mauruse. La vigilance de votre esprit m’est connue ; il n’est pas besoin, je crois, d’insister. Lorsque vous le voudrez, vous verrez facilement à quoi s’occupent et ce que préparent les autres[1] dans vos possessions, et ce qui se passe sur vos terres. D’après ce qu’on m’a affirmé, il y a dans vos domaines quelqu’un qui est votre ami et avec lequel je désirerais bien m’entendre ; ménagez-moi cet avantage, et vous serez grandement loué devant les hommes, et grandement récompensé devant Dieu. Déjà il m’avait fait dire par un certain, Carus, notre intermédiaire, que la crainte de gens violents autour de lui l’arrêtait, et que, protégé par vous et sur vos domaines, il cesserait de les redouter : vous ne devez pas aimer en lui ce qui ne serait pas la fermeté, mais l’opiniâtreté. Car s’il est honteux de changer de sentiment quand ce sentiment est vrai et droit ; il est louable et utile de le faire, quand il est insensé et nuisible ; et comme la fermeté empêche l’homme de se corrompre, l’opiniâtreté l’empêche de se corriger : il faut donc louer l’une et se défaire de l’autre. Le prêtre que je vous ai envoyé vous dira plus en détail le reste. Que la miséricorde de Dieu vous garde sain et sauf et heureux, très-cher, honorable, digne seigneur et fils !

LETTRE LVIII.

(Au commencement de l’année 401.)

Saint Augustin exprime avec émotion et profondeur toute la joie que lui ont causée les exemples de foi et de courage donné par Pammachius au milieu de ses gens d’Hippone ; il désirerait que les sénateurs catholiques, qui sont dans la même situation que Pammachius, en fissent autant.

AUGUSTIN A L’EXCELLENT ET ILLUSTRE SEIGNEUR PAMMACHIUS[2], SON FILS TRÈS-CHER DANS LES ENTRAILLES DU CHRIST.

1. Vos bonnes œuvres, qui germent par la grâce du Christ, vous ont fait pleinement connaître, aimer et honorer de nous, dans ses membres. Si chaque jour je voyais votre visage, je ne vous connaîtrais pas mieux que je ne vous connais après avoir vu, dans la splendeur d’un seul acte de votre vie, votre homme intérieur, beau de paix et brillant de vérité ; j’ai regardé et j’ai connu, j’ai connu et j’ai aimé ; c’est à lui que je parle, à lui que j’écris, à cet ami bien-aimé qui, son corps absent, s’est rendu présent à moi. Et pourtant nous étions déjà ensemble, nous vivions unis sous tan même chef ; si vous n’aviez pas pris racine dans sa charité, l’unité catholique ne vous serait pas aussi chère, vous n’adresseriez pas de tels discours à vos fermiers d’Afrique, établis au milieu de la Numidie consulaire, dans cette contrée même d’où s’est levée la fureur des donatistes, vous n’auriez pas enflammé leurs âmes de cette ferveur qui les a fait s’attacher aussitôt à vos exemples, pensant bien qu’un homme comme vous ne pouvait suivre un sentiment qu’après en avoir reconnu la vérité ; vous ne les auriez pas remués au point de les faire marcher sous un même chef, malgré les longues distances qui les séparent de vous, et au point de les compter éternellement avec vous parmi les membres de Celui par les commandements de qui ils vous servent pour un temps.

2. C’est par ce fait que je vous ai connu et c’est pourquoi je vous embrasse ; dans le tressaillement de ma joie, je vous félicite en Notre-Seigneur Jésus-Christ et je vous envoie cette, lettre comme une preuve de mon amour pour votes ; je ne puis rien faire de plus. Mais ne prenez pas ceci, je vous prie, pour la mesure de tout mon amour ; après avoir lu cette

  1. Les donatistes.
  2. C’est le sénateur romain Pammachius, gendre de Paula, mari de Pauline, ami de saint Jérome.