Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/80

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d’une bonne conscience et d’une foi sincère[1] ; la charité est la plénitude de la loi[2]. »

39. Vous donc aussi, très-cher, en lisant ceci ou autre chose, lisez, apprenez, de façon à n’oublier jamais la vérité de cette maxime « La science enfle, la charité édifie[3]. Et comme la charité n’est point jalouse, et n’enfle pas ; n il faut se servir de la science comme d’une machine pour élever l’édifice de la charité qui demeurera éternellement, même quand notre science sera détruite[4]. La science qui a pour fin la charité est très-utile ; sans cette fin, il est prouvé qu’elle est non-seulement superflue, mais même dangereuse. Je sais combien l’habitude des saintes pensées vous place à l’ombre des ailes du Seigneur notre Dieu ; mais si je donne ces avis en passant, c’est que je le sais, votre charité, qui n’est point jalouse, donnera et lira cette lettre à plusieurs.

LETTRE LVI.

(Année 400.)

Invitation à l’étude des saintes lettres et au retour à la vraie foi.

AUGUSTIN A SON TRÈS-CHER FILS, L’ÉMINENT ET HONORABLE SEIGNEUR CÉLER[5].

1. Je n’oublie ni ma promesse ni votre désir ; mais je suis obligé de partir pour visiter les Églises confiées à mes soins, et ne puis assez tôt vous payer ma dette par moi-même. Je ne. veux pas cependant vous devoir plus longtemps, du moment que j’ai entre les mains de quoi m’acquitter envers vous. Aussi, j’ai chargé mon très-cher fils le prêtre Optat de vous lire ce que je vous ai promis, aux heures qui vous conviendront le mieux ; et lorsqu’il croira pouvoir tout terminer, il s’y portera avec d’autant plus d’ardeur et de plaisir que votre Excellence l’agréera davantage. Du reste, vous comprenez, je crois, combien je vous aime et combien je veux que par d’utiles études vous vous plaisiez et vous avanciez dans la connaissance des choses divines et des choses humaines.

2. Si vous ne dédaignez pas mes soins affectueux, vous ferez, je l’espère, de tels progrès dans la foi chrétienne et dans les meurs qui doivent s’accorder avec la grandeur des charges où vous êtes déjà monté, que vous attendrez, ou avec désir ou avec assurance ou au moins sans les inquiétudes du désespoir, non dans la vanité de l’erreur, mais dans la solidité de la vérité, le dernier jour de cette fumée, de cette fugitive vapeur, appelée la vie humaine, ce dernier jour auquel nul mortel ne saurait se dérober. Car autant il est certain que vous vivez, autant vous devez être assuré par la doctrine du salut, que cette vie passée dans les délices du temps, est une mort plutôt qu’une vie, en comparaison de l’éternelle vie promise par le Christ et dans le Christ. Or si vous attachez à la pureté du christianisme la haute importance que la religion commande, je ne doute pas que votre caractère ne vous tire aisément de vos engagements avec les donatistes. Rien de plus fort que les preuves qui démolissent cette erreur ; les plus petits esprits peuvent s’en convaincre pourvu qu’ils écoutent avec patience et attention. Ce qui demande plus de force, c’est de rompre les liens d’une erreur devenue une habitude et une sorte d’intimité de la vie, pour embrasser une doctrine vraie à laquelle on n’est pas accoutumé. Avec l’aide et les inspirations du Seigneur notre Dieu, il n’y aura jamais à désespérer de vous, de votre libre courage, de votre cœur viril. Que la miséricorde de Dieu vous maintienne sain et sauf, éminent et honorable seigneur et fils très-cher !

LETTRE LVII.

(Année 400.)

AUGUSTIN A SON TRÈS-CHER FILS, L’HONORABLE ET DIGNE SEIGNEUR CELER, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Je crois qu’avec un peu de. réflexion votre sagesse saisit aisément que le parti de Donat n’a eu aucune bonne raison de se séparer de toute la terre, où s’étend l’Église catholique selon les promesses des prophètes et de l’Évangile. S’il était nécessaire d’éclaircir davantage ce point, je me souviens d’avoir donné à votre bienveillance, pour le lire, un écrit que m’avait demandé de votre part mon cher fils Cécilien[6] ; cet écrit est resté assez longtemps chez

  1. I Tim. I, 5
  2. Rom. XIII, 10
  3. I Cor. VIII, 1
  4. I Cor. XIII, 4, 8
  5. Nous trouvons dans l’année 429 un proconsul en Afrique du nom de Céler. Celui à qui cette lettre est adressée était dans les grands emplois à cette époque, en l’année 400 ; est-ce le même personnage que le proconsul de 429 ? Tout porte à le croire. La façon dont saint Augustin parle à Céler dans cette lettre permet de penser que ce personnage était jeune en 400.
  6. Il y a ici dans le texte, à côté des mots : meus Cœcilius, les mots : tuus filius, qui sont sans doute une erreur de copiste ; l’évidente jeunesse de Céler, à cette époque, ne permet guère de penser qu’il ait eu alors un fils en état de lui servir d’intermédiaire auprès de saint Augustin. Le sens que nous avons adopté nous parait le plus probable.