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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/130

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à Fascius de faire part à votre sainteté de la nécessité où il se trouvait ; saisi de honte, il m’a supplié de n’en rien faire. Me voyant ainsi contraint plus fortement, j’ai emprunté à notre frère Macédonius dix-sept sous d’or ; Fascius, pour qui j’ai payé, me promettait de me remettre la somme à un jour marqué ; passé ce jour, s’il se trouvait dans l’impossibilité de rembourser, il consentait à ce que je fisse appel à cette miséricorde fraternelle que vous avez coutume de montrer envers vos frères.

2. Maintenant donc que Fascius est absent, il faut que vous veniez en aide, non pas à lui, que personne n’inquiète, mais à moi, qui ai pris un engagement, et dont la réputation est comme un bien dont vous avez toujours la garde. Le jour marqué pour la remise de la somme est passé ; je ne trouve rien à répondre à celui qui m’a prêté les dix-sept sous d’or sur ma parole, si ce n’est que je tiendrai la promesse que j’ai faite. Mais on ne m’a pas fait souvenir de vous entretenir de cette affaire, le saint jour de la Pentecôte, où vous étiez en plus grand nombre à l’église ; je demande donc que cette lettre me tienne lieu de discours ; le Seigneur notre Dieu, en qui vous croyez ; achèvera de vous parler au cœur ; il ne vous a jamais abandonnés, vous tous qui craignez et honorez son nom. C’est en lui que nous vous sommes unis, quoique, par notre absence corporelle, nous paraissions éloignés de vous, et il vous promet la moisson de la vie éternelle en échange des bonnes œuvres comme celle que je recommande à vos soins. « Ne nous lassons donc pas de faire le bien, dit l’Apôtre ; si nous ne perdons pas courage, nous en recueillerons le fruit en son temps. C’est pourquoi, pendant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous, principalement à ceux qui sont de la même foi que nous[1]. » Or, celui pour lequel je vous demande de faire ce que le Seigneur ordonne, est de la même foi que nous ; il est chrétien fidèle, il est catholique ; faites-le sans déplaisir, sans murmure, avec joie et de bon cœur. Ce n’est pas dans un homme que vous avez confiance, c’est en Dieu ; il vous a promis que rien de ce que vous aurez fait miséricordieusement ne sera perdu, mais qu’au dernier jour vous retrouverez tout avec une immortelle usure[2]. Puisque l’Apôtre nous dit : « Or, je le déclare, celui qui sème peu recueillera peu[3], » vous devez comprendre que, pendant que nous sommes en cette vie, nous devons nous hâter d’amasser des trésors pour l’éternité. En effet, quand la fin des temps viendra, il ne sera donné qu’à ceux qui, avant devoir les biens éternels, les auront achetés par les saintes œuvres de leur foi.

3. J’écris aussi aux prêtres que si la collecte faite par votre sainteté n’est pas suffisante, ils aient à compléter la somme avec le bien de l’Église ; pourvu cependant que vous donniez avec joie ce qu’il vous plaît. Que ce soit par vous ou par l’Église que cela se fasse, tout est de Dieu, et votre empressement nous sera plus doux que les trésors de l’Église. Je vous dirai avec l’Apôtre : « Ce ne sont pas vos dons que je désire, mais le profit qui vous en reviendra[4]. » Réjouissez donc mon cœur ; c’est dans vos profits qu’il veut mettre sa joie ; car vous êtes les arbres de Dieu qu’il daigne arroser par notre ministère d’une pluie continuelle. Que Dieu vous défende de tout mal en ce monde et dans l’autre, mes bien-aimés seigneurs et chers frères.

LETTRE CCLXIX.


Saint Augustin, infirme et vieux, s’excuse de ne pouvoir se mettre en route pendant l’hiver pour aller assister à la dédicace d’une église.

AUGUSTIN À SON BIENHEUREUX ET VÉNÉRABLE FRÉRE ET COLLÈGUE NOBILIUS.

C’est une grande fête que celle à laquelle votre affection fraternelle me convie ; j’y voudrais traîner mon pauvre corps, sans les infirmités qui me retiennent. J’aurais pu m’y rendre si nous n’étions pas en hiver ; je pourrais braver l’hiver si j’étais jeune : la chaleur de l’âge me ferait aisément triompher de la saison rigoureuse, comme le froid de mes vieux ans se trouverait bien des feux de l’été. Maintenant, ma vieillesse glacée ne supporterait pas un si long voyage en hiver, bienheureux seigneur, saint, et vénérable frère et collègue. Je vous salue donc à mon tour comme vous le méritez, me recommandant à vos prières, et demandant à Dieu qu’une heureuse paix suive la dédicace d’une aussi grande église.

  1. Gal. 6,9,10
  2. Mat. 25,34
  3. 2Co. 9,6
  4. Phi. 4,17