Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/358

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comparer entre elles les semblables, rendre à chacun ce qui lui est dû. Tout cela n’est-il pas de la plus haute vérité, et en même temps ces axiomes ne sont-ils pas communs à toi et à moi et à tous ceux qui les voient ? ne sont-ils pas à la disposition de chacun ? — E. Assurément. A. Et encore : l’inaltérable vaut mieux que le corruptible, l’éternel que le temporel, la force que la faiblesse ; pourrais-tu le nier ? — E. Qui le pourrait ? — A. Est-il quelqu’un qui puisse dire encore que cette vérité lui est propre, et au contraire n’apparaît-elle pas immuable à l’œil contemplateur de tous les esprits qui peuvent la considérer ? — E. Personne au monde ne pourrait dire avec, raison que cette vérité est sa propriété, puisqu’elle est aussi une et commune à tous qu’elle est vraie. A. Poursuivons. Il faut détourner son âme de la corruption, et la tourner vers la pureté, en d’autres termes, ce qu’il faut aimer, c’est la pureté, et non la corruption. Qui le niera ? ou, en l’admettant, qui ne comprendra en même temps que cette vérité est immuable aussi, et ne verra qu’elle est commune à tous les esprits qui peuvent la saisir ? — E. Personne, assurément. A. Enfin ; la conduite de l’homme qu’aucune adversité ne détourne de la voie droite et honnête, est préférable à celle de l’homme que les maux temporels brisent et renversent aisément. Est-ce encore une vérité incontestable ? — E. Indubitable. 29. A. Je ne poursuivrai pas davantage ce thème. Il suffit que tu voies avec moi et que tu admettes comme très-certain que ce sont là comme autant de règles, autant de flambeaux des vertus ; que ces maximes sont à la fois vraies et immuables, et que toutes et chacune d’elles apparaissent communes à l’œil intellectuel de tous et de chacun de ceux qui peuvent les saisir par leur raison et leur esprit. Mais c’est ici le lieu de te demander s’il te paraît que ces maximes font partie de la sagesse. Car pour ce qui est de savoir quel est l’homme sage, tu es d’avis, je pense, que c’est celui qui est en possession de la sagesse. — E. J’en suis parfaitement d’avis. — A. Eh bien ! celui qui vit selon la justice, pourrait-il vivre de cette sorte, s’il ne voyait pas quelles sont les choses inférieures et les choses supérieures pour subordonner les unes aux autres, les choses égales pour les mettre sur le même rang, les choses propres à chacun pour rendre à chacun ce qui lui est dû ? — E. Il ne le pourrait pas sans cette vue. — A. Celui qui voit ainsi les choses, nieras-tu qu’il les voie sagement ? — E. Je ne le nie pas. — A. Et celui qui vit selon la prudence, ne choisit-il pas les choses incorruptibles, pour les préférer à la corruption ? — E. Evidemment. — A. Lors donc qu’il choisit, pour diriger son âme, ce qu’il doit choisir de l’aveu de tout le monde, peut-on nier qu’il choisisse sagement ? — E. Pour moi, je ne songe pas à le nier. — A. Et lorsqu’il dirige son âme vers l’objet qu’il a sagement choisi, il la dirige sagement : cela est clair aussi ? — E. Très-clair. — A. Maintenant, celui que ni les menaces ni les tourments ne peuvent détourner de l’objet qu’il a sagement choisi et vers lequel il se dirige sagement, agit avec sagesse sans doute ? — E. Sans aucun doute. — A. Il est donc parfaitement évident que ces maximes que nous avons appelées les règles et les flambeaux des vertus font partie de la sagesse. Car plus on les applique à la conduite de la vie et plus on s’y conforme, plus on vit et l’on agit sagement. Or on ne pourrait dire sans déraisonner que tout ce qui se fait sagement soit en dehors de la sagesse. — E. C’est très-juste. — A. Concluons. Autant les règles des nombres, dont la raison et la vérité, comme tu l’as dit, apparaissent immuables et communes à tous ceux qui les voient, sont vraies et inaltérables, autant sont vraies et inaltérables aussi les règles de la sagesse, puisque, interrogé tour à tour sur quelques-unes d’entre elles, tu as répondu qu’elles sont vraies et évidentes, et puisque tu admets qu’elles sont communes à tous ceux qui peuvent les saisir et à la disposition de ceux qui peuvent les considérer.



CHAPITRE XI. LA SAGESSE ET LE NOMBRE SONT-ILS UNE MÊME CHOSE, OU BIEN EXISTENT-ILS INDÉPENDAMMENT L’UN DE L’AUTRE, OU L’UN DES DEUX EST-IL RENFERMÉ DANS L’AUTRE ?

30. E. Je n’en puis douter. Mais je désirerais beaucoup savoir si ces deux choses, la sagesse et le nombre, sont contenues dans un seul et même genre, puisque, comme tu l’as rappelé, les saintes Ecritures elles-mêmes les réunissent