que les grammairiens appellent déponents les verbes qui ne déposent pas la lettre R, comme lucror, conqueror, de même, à mon sens, le vers ce composant de deux membres qui ne peuvent, sans détruire l’harmonie, être substitués l’un à l’autre, a été nommé vers, parce qu’il n’admet pas de conversion.
Du reste, soit que tri approuves l’une ou l’autre de ces étymologies, soit que tu les condamnes toutes deux et que tu en cherches une autre, ou enfin que tu dédaignes avec moi toutes ces questions grammaticales, peu importe en ce moment. Il n’est pas besoin de se tourmenter pour savoir d’où vient un terme, quand l’idée qu’il exprime est parfaitement claire. Aurais-tu quelque objection à me présenter là-dessus ? — L’E. Aucune ; veuilles continuer.
CHAPITRE IV.
5. Le M. Notre attention doit maintenant se porter sur la fin du vers. On a voulu, ou plutôt la : raison veut, que la fin du vers ait une différence marquée et qui la distingue, du reste du vers. Ne préfères-tu pas voir mis en relief le terme où s’arrête le mouvement cadencé, sans troubler l’égalité des temps, que de le laisser confondu avec les autres parties, qui ne forment pas la fin du vers ? — L’E. Qui doute qu’il ne faille en tout préférer la clarté?— Le M. Examine donc si le spondée, comme l’ont voulu certains grammairiens, termine le vers héroïque d’une manière saillante. On peut mettre aux cinq premiers pieds un dactyle ou un spondée ; seul, le spondée peut finir le vers. Si on dit que le trochée le peut aussi, c’est qu’il équivaut à un spondée, parce que la finale est indifférente, nous l’avons suffisamment démontré à propos du mètre. Veut-on suivre jusqu’au bout l’opinion de ces grammairiens ? L’iambique de six pieds ou ne sera plus un vers, ou n’aura plus de terminaison saillante, double hypothèse également absurde. Car les savants ou même les personnes qui n’ont que des connaissances légères et superficielles, n’ont jamais douté qu’il n’y eût un véritable vers, soit dans cet iambique de Catulle
Phaselus ille quem videtis hospites.
Soit dans toute autre combinaison de mots ainsi cadencés. D’autre part, des critiques dont l’autorité égale la science, ont pensé qu’il ne fallait pas voir de vers dans tout assemblage qui ne présentait pas une terminaison saillante.
6. L’E. C’est vrai. — Le M.. La fin du vers doit donc se reconnaître à une marque plus sûre que celle qui ne consiste qu’en un spondée. — L’E. Oui. — Le M. Eh bien ! doutes-tu que cette marque essentielle, quelle qu’elle soit, ne consiste dans la différence d’un pied, d’un temps, ou de tous deux à la fois ? — L’E. Peut-il y avoir une autre différence ? — Le M. Mais encore, à laquelle des trois t’arrêtes-tu ? Pour moi, quand je songe que la terminaison destinée à borner le vers dans de justes limites, n’a trait qu’à la durée du temps, il me semble qu’on ne peut chercher ailleurs que dans le temps cette marque essentielle. N’es-tu pas de mon avis ? — L’E. Loin de là, j’y souscris entièrement. — Le M. Ne vois-tu pas encore que le temps ne pouvant être ici distingué que par le plus ou le moins de durée, il faut que le vers, où la terminaison est destinée à servir de point d’arrêt, ait pour fin saillante un temps plus court ? — L’E. Je le vois bien ; mais à quoi bon ajouter le mot ici ? — Le M. Parce que nous ne faisons pas consister toujours et partout la différence des temps dans une durée plus ou moins longue. Crois-tu par hasard qu’il n’y ait entre l’été et l’hiver d’autre différence que celle de leur durée relative ? Ne distinguerais-tu pas plutôt ces deux saisons par la différence spécifique du froid ou du chaud, du sec ou de l’humide, et toute autre propriété essentielle ? — L’E. J’entends maintenant et je suis parfaitement d’avis qu’un temps plus court doit former la terminaison du vers.
7. Le 51. Prête donc l’oreille à ce vers :
Roma, Roma, cerne quanta sit deum benignitas[1],
C’est un vers trochaïque ; scande-le : puis dis-moi quels en sont les deux membres et de combien de pieds il se compose ? — L’E. Pour les pieds, ma réponse sera facile. Il est évident qu’il y en a sept et demi. Quant aux deus membres la chose n’est pas aussi claire. La phrase est coupée en beaucoup d’endroits. Cependant je trie figure que le partage doit se faire au huitième demi-pied, de sorte que le premier membre se composerait de ces mots ; Roma, Roma, cerne quanta; le second de
- ↑ Rome, Rome, vois jusqu’où s’étend la bienveillance des dieux.