ceux.-ci : Sit deum benignitas. — Le M. Combien ce dernier membre a-t-il de demi-pieds ? — L’E. Sept. — Le M. La raison t’a guidé toute seule. L’égalité étant au-dessus de tout et formant le premier objet à chercher dans une division, il faut, quand on ne peut y atteindre, prendre ce qui en approche le plus, s’en écarter le moins possible. Comme ce vers a en tout quinze demi-pieds, le mode de division le plus juste était de le partager en huit et en sept demi-pieds : la division la plus approchante serait également en sept et en huit demi-pieds ; mais en adoptant ce mode ; on ne marquerait plus la terminaison du vers par un temps plus court, comme l’exige la raison elle-même ; supposons en effet que le vers soit tel
Roma, cerne quanta sit tibi deum benignitas,
C’est-à-dire que le premier membre se composât de sept demi-pieds. Roma cerne quanta sit, et le second, de huit : tibi Deum benignitas: il n’y aurait plus de demi-pieds pour clore le vers, huit demi-pieds faisant quatre pieds complets. À cet inconvénient se joindrait un défaut plus grave : on ne scanderait plus le dernier membre avec les mêmes pieds que le premier, et le premier membre présenterait la terminaison saillante d’un temps plus court, ou d’un demi-pied, plutôt que le second qui exige cette terminaison. En effet on scanderait dans le premier membre, trois trochées et demi ; dans le second, quatre iambes
Roma, cerne quanta sit tibi deum benignitas.
Au contraire, avec le premier mode de division, nous scandons par trochées dans les deux membres et le vers finit par un demi-pied ; de cette manière la terminaison garde sa marque distinctive d’un temps plus court. Le premier membre, en effet, se compose de quatre trochées : Roma, Roma, cerne quanta; le second, de trois trochées et demi, Sit Deum benignitas : as-tu quelque objection à élever ? — L’E. Aucune, et je suis parfaitement de ton avis.
8. Le M. Observons donc scrupuleusement, s’il te plaît, ces règles incontestables ; que le vers soit toujours divisé en deux membres qui se rapprochent le plus possible de l’égalité, comme l’est ce vers : Cornua velatarum obvertimus antennarum; que l’égalité ne soit jamais si parfaite entre les deux membres qu’on puisse les convertir[1], comme on pourrait le faire dans ce vers :
Cornua velatarum vertimus antennarum ;
qu’en échappant à cette conversion, les deux membres ne doivent pas non plus être trop inégaux, mais offrir le nombre de demi-pieds le plus rapproché et qu’ainsi on ne vienne pas dire que l’on peut partager ce dernier vers en deux membres composés, le premier de huit syllabes : Cornua velatarum vertimus ; le second, de quatre : antennarum ; que le dernier membre n’ait pas un nombre pair de demi-pieds, comme : tibi Deum benignitas, afin d’éviter que le vers, finissant par un pied complet, n’ait plus de terminaison marquée par un temps plus court. — L’E. Je comprends ces règles et je les grave de toutes mes forces dans ma mémoire.
CHAPITRE V.
9. Le M. Puisque nous savons que le vers ne doit pas se terminer par un pied complet, comment faut-il scander le vers héroïque, à ton sens, pour observer la règle de l’hémistiche et marquer fortement la fin du vers ? — L’E. Ce vers se compose de 12 demi-pieds : or les deux membres ne peuvent avoir six pieds chacun, si l’on veut éviter la conversion : on ne doit pas non plus mettre entre eux une inégalité aussi grande que celle de 3 à 9 ou de 9 à 3 ; ni former le demi-membre d’un nombre pair de demi-pieds, dans le rapport de 8 à 4 ou de 4 à 8, si l’on ne veut pas finir le vers par un pied complet : le partage devra donc se faire en 5 et 7 ou 7 et 5 demi-pieds. Ce sont là en effet les deux nombres impairs les plus voisins l’un de l’autre, et les deux membres d’ailleurs sont ainsi plus rapprochés l’un de l’autre qu’ils ne le seraient dans le rapport de 4 à 8 ou de 8 à 4. Ce qui fortifie en moi cette opinion, c’est que le premier hémistiche se termine toujours ou presque toujours au cinquième demi-pied, comme dans le premier vers de l’Énéide : Arma virumque capo ; dans le second : Italiam fato ; dans le troisième :
- ↑ C’est-à-dire, mettre le premier à la place du second et réciproquement. La conversion, est un terme de logique très-connu que, saint Augustin applique ici et plus loin à la métrique.