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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/469

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obligé à recourir à d’autres pieds pour les scander. Ils sont donc moins susceptibles de conversion que les vers uniquement composés de brèves ou de longues. Aussi dans les vers où règne cet heureux mélange, est-il indifférent, que le rapport des deux membres soit de 5à 7 ou de 7 à 5 demi-pieds. Car, quel que soit l’ordre qu’on adopte, le vers ne peut se convertir sans un changement si profond que le vers semble courir sur d’autres pieds, en d’autres termes, se scande d’une autre manière. Dans les autres, au contraire, si le poème commence par des vers dont le premier membre se compose de 5 demi-pieds, on ne doit jamais commencer par un membre de 7 demi-pieds ; autrement ils deviennent tous susceptibles de conversion : car il n’y a dans les pieds aucune différence qui empêche la conversion.


On peut, fort rarement il est vrai, ne mettre que des spondées dans le vers héroïque ; encore cette licence est-elle condamnée de nos jours. Pour les trochaïques et les iambiques, quoiqu’il soit permis d’y mettre à tous les pieds un tribraque, on a toujours regardé comme un grave défaut, dans cette sorte de vers, une suite non interrompue de brèves.

22. Donc, puisque les vers de six pieds repoussent naturellement les épitrites, parce qu’ils conviennent mieux à la prose et surtout parce que, si on en met six, on excède le nombre de trente-deux temps, comme avec des dispondées (effectivement avec l’épitrite, on aurait 42 temps [6 X 7], et avec le dispondée 48 [6 x 8]) : puisqu’ils repoussent également les pieds de cinq temps, réservés à la prose pour terminer les périodes ; puisque les molosses et autres pieds de six temps, malgré l’usage heureux qu’en font les poètes, ne rentrent pas dans le nombre de temps dont il est ici question ; il reste les vers composés uniquement de brèves, c’est-à-dire de pyrrhiques, de procéleusmatiques, de tribraques, et les vers composés uniquement de longues, c’est-à-dire de spondées. Or, bien que ces vers renient dans la même mesure que les vers de six pieds, ils ne sauraient atteindre à la dignité dit l’heureuse proportion de ceux qui présentent un gracieux mélange de brèves et de longues et qui par là même sont moins susceptibles de se convertir.

CHAPITRE XI.

DE LA MANIÈRE LA PLUS EXACTE DE MESURER LES VERS DE SIX PIEDS.

23. Mais on peut demander pourquoi on donne la préférence aux vers de six pieds qu’une méthode exacte scande par anapestes ou par trochées, sur ceux que l’on scanderait par dactyles ou par iambes. Je ne préjuge en rien la question, puisqu’en ce moment nous ne parlons encore que d’un certain nombre de pieds ; je suppose que nous lisions :

Trojae qui primus ab oris, arma virumque capo ;

Qui procul malo pius beatus ille[1] :

Ces deux vers ne seraient pas moins des vers de six pieds, ils n’offriraient pas moins un mélange de longues et de brèves et n’en seraient pas davantage susceptibles de conversion ; les membres, dans l’un et dans l’autre, sont tellement distribués que la phrase offre une division bien tranchée au cinquième et au septième pied. À quel titre donc faut-il leur préférer ceux qui ont reçu cette disposition :

Arma virumque cana, Trojae qui primus ab oris ;

Beatus ille qui procul pius malo ?

À une pareille question il me serait facile et naturel de répondre que cette forme a été remarquée et mise en usage la première par un simple effet du hasard, ou que, s’il n’y a là aucun jeu du hasard, on a jugé, comme je le crois, que le vers héroïque se terminait mieux par deux longues que par deux brèves et une longue ; l’oreille trouve en effet plus d’agrément à se reposer sur une longue ; par la même raison, on aurait trouvé plus agréable de terminer le vers iambique par une longue que par une brève. Naturellement, quelle que fût celle des deux combinaisons qui fixât d’abord le choix, elle excluait nécessairement le vers qui pourrait se construire en intervertissant l’ordre des mêmes membres. Par conséquent si le vers cité pour exemple :

Arma virumque capo, Trojae qui primus ab oris.

a été jugé le meilleur, il y aurait de ta bizarrerie

  1. L’homme pieux éloigné du mal est heureux.