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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/468

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8 demi-pieds du second. — L’E. Eh ! pourquoi ne me cites-tu pas d’exemple de cette espèce de vers ? — Le M. Parce que nous nous y sommes souvent arrêtés. Toutefois, pour que tu ne croies pas que je le passe sous silence à sa véritable place, le voici :


Roma, Roma, cerne quanta sit deum benignitas ; ou cet autre :


Optimus beatus ille qui procul negotio.

19. Examine maintenant le rapport de 9 à 7 demi-pieds ; voici un exemple


Vir optimus beatus ille qui procul negotio[1].

L’E. La correspondance est facile à saisir : le premier membre se divise en 4 et 5 demi-pieds ; le second en 4 et 3 demi-pieds. La plus petite fraction du premier membre réunie à la plus grande du second fait un total de 8 demi-pieds : la plus grande du premier réunie à la plus petite du second fait également un total de 8 demi-pieds : car ici on additionne 4 et 4 ; là, 5 et 3. D’ailleurs si tu partages les 5 demi-pieds en 2 et 3, et les trois autres, en 2 et 1, on découvre un nouveau rapport de 2 à 2, de 1 à 3, puisque le nombre 1, d’après le principe établi plus haut, va bien avec tous les nombres. Mais, si mes calculs ne sont pas faux, la question de savoir comment les deux membres s’unissent entre eux est épuisée. Car nous voici arrivés au nombre de 8 pieds, nombre que le vers ne peut dépasser, comme nous le savons assez. Ainsi explique-moi maintenant les propriétés cachées des vers de six pieds qu’on appelle héroïque, iambique ou trochaïque.


CHAPITRE X.

DE L’EXCELLENCE DES VERS DE SIX PIEDS : PERFECTION INCOMPARABLE DU VERS HÉROÏQUE ET IAMBIQUE, PARMI LES VERS DE SIX PIEDS.

20. Le M. Je vais le faire ou plutôt ce sera l’œuvre de la raison, notre commun guide. Te souvient-il que, dans notre entretien sur le mètre, nous avons avancé et prouvé jusqu’à l’évidence, par le témoignage même de l’oreille, que les pieds dont les fractions sont dans une proportion sesquialtère, de 2 à 3 comme le crétique ou le péon, de 3 à 4 comme les épitrites, sont rejetés par les poètes, à cause du lieu de grâce de leur cadence ; tandis qu’ils sont un ornement pour la prose, quand ils forment la chute d’une période ? — L’E. Je m’en souviens : mais où tend cette question ? — Le M. À nous faire d’abord comprendre que les poètes s’étant interdit l’emploi des pieds de cette espèce, il ne nous reste plus que ceux dont les parties sont égales comme le spondée, ou sont dans le rapport de 1 à 2 comme l’iambe, ou dans un rapport égal comme le choriambe. — L’E. C’est vrai. — Le M. Or, si tel est le domaine des poètes et que la prose ait un caractère différent du vers, on ne peut employer en vers que cette dernière sorte de pieds. — L’E. Je suis de cet avis, je vois fort bien que les poèmes empruntent au vers un ton plus imposant qu’ils ne pourraient le trouver dans les rythmes familiers à la poésie lyrique ; mais ce que je ne sais pas, c’est où tu veux en venir.

21. Le M. Ne te presse pas trop. La discussion roule actuellement sur la prééminence des vers senaires, et je désire te démontrer préalablement, si je le puis, que, parmi les vers, ceux qui ont le plus de dignité ne peuvent être que le vers héroïque et le vers iambique, les plus usités de tous : le vers héroïque, que la routine scande par dactyles et par spondées, une méthode plus exacte, par spondée et anapeste, comme ici le vers :


Arma virumque cano Trojae qui primus ab oris ; le vers iambique, qui, d’après le même système se change en trochaïque.


Il est évident pour toi, je pense, que les syllabes longues, sans mélange de brèves, ne produisent qu’une cadence sourde ; que les brèves, sans mélange de longues, ne produisent qu’une cadence brisée et, pour ainsi dire, sautillante ; et que, dans les deux cas, il n’y a aucune harmonie, bien qu’un nombre égal de sons frappe l’oreille. Voilà pourquoi on ne retrouve ni la dignité du vers héroïque dans ceux qui se composent de six pyrrhiques et de six procéleusmatiques, ni celle du vers trochaïque dans ceux qui se composent de six tribraques. Un autre avantage, c’est que dans ces vers, si supérieurs aux autres, aux yeux de la raison, la transposition des deux membres ne peut avoir lieu sans qu’on ne soit aussitôt

  1. L’homme de bien heureux est celui qui, éloigné des affaires…