passe-t-il quand nous chantons ce vers si connu de nous
Deus creator omnium[1] ?
Nous l’entendons par les nombres de réaction, nous le reconnaissons par les nombres de mémoire, nous le prononçons par les nombres de progrès, nous en sommes ravis par l’effet des nombres de jugement, et nous l’approuvons à l’aide d’autres nombres cachés : oui, il la des nombres cachés qui s’élèvent après eux et qui décident souverainement de ce ravissement même qui est comme la décision des nombres de jugement. Tu ne confonds pas sans doute le ravissement des sens et les appréciations de la raison. — L’E. Ce sont deux choses fort différentes, je l’avoue. Mais le mot me jette tout d’abord dans l’embarras : je ne vois pas trop pourquoi on n’appellerait pas plutôt nombres de jugement ceux qui renferment un élément de raison que ceux qui renferment un élément de plaisir ; puis, j’appréhende fort que ces appréciations de la raison dont tu parles, ne soient qu’un jugement plus attentif qu’ils portent sur eux-mêmes ; par conséquent, loin qu’il y ait des nombres distincts pour le plaisir et pour la raison, ce sont les mêmes nombres qui, tantôt servent à apprécier les mouvements des organes, lorsqu’ils sont reproduits, comme nous l’avons démontré tout à l’heure, par la mémoire, tantôt s’isolent des organes pour s’apprécier eux-mêmes avec plus d’élévation et de pureté.
24. Le M. Ne t’embarrasse pas des mots quand tu comprends la chose : les termes sont moins imposés par une loi naturelle que par une convention. Quant à ton opinion que ces nombres se confondent et ne forment pas deux classes distinctes, tu y es sans doute entraîné par la pensée que c’est la même âme qui en est le principe : mais tu dois songer que, dans les nombres de progrès, l’âme ébranle les organes ou se met en mouvement vers les organes ; que, dans les nombres de réaction, c’est la même âme qui va au-devant des impressions du corps ; que, dans les nombres de mémoire, c’est l’âme encore qui flotte au gré de leurs mouvements, jusqu’à ce que leur agitation se calme. Donc, quand nous classons et quand nous distinguons ces deux sortes de nombres, nous ne faisons qu’analyser les mouvements, et les dispositions d’un seul et même être, je veux dire l’âme. Ainsi nous établissons des distinctions entre les mouvements de l’âme, quand elle est en présence des modifications des organes, comme dans la sensation ; ou quand elle se dirige vers les organes, comme dans l’action ; ou quand elle conserve le résultat de tous ces mouvements, comme dans le souvenir ; nous devons donc, d’après la même méthode, distinguer l’acte d’agréer ou de repousser les mouvements qui naissent pour la première fois dans l’âme ou se réveillent dans la mémoire, par le seul effet du plaisir et du déplaisir qu’ils nous causent, selon qu’ils sont justes ou faux ; nous devons, dis-je, distinguer cet acte du raisonnement en vertu duquel nous apprécions si ce plaisir ou ce déplaisir est légitime. Par conséquent si nous avons distingué plus haut trois sortes de nombres, nous en trouvons deux ici ; et, s’il nous a paru logique de conclure que l’oreille, sans être remplie de certains principes d’harmonie, était incapable d’être flattée par des intervalles de temps réguliers ou d’être choquée par la confusion de ces temps, il doit paraître également logique que la raison, qui vient par-dessus cette émotion, ne saurait, sans le concours de principes plus élevés, apprécier l’harmonie, qui est au-dessous de sa sphère.
Si cette analyse est exacte, on trouve évidemment cinq espèces de nombres dans l’âme, et si tu y ajoutes ces nombres matériels que nous avons appelés sonores, tu reconnaîtras six espèces de nombres dans leur ordre respectif. Et maintenant, si tu le veux bien, appelons « sensibles[2] », les nombres qui avaient usurpé le premier rang à notre insu et réservons le titre plus noble de nombres de jugement à ceux qui, comme nous l’avons découvert, s’élèvent au-dessus d’eux : je serais aussi d’avis de changer le nom des nombres sonores, parce que si on les désigne par le terme de physiques, ils marqueront plus clairement ceux qui se manifestent dans la danse et tout autre mouvement visible. Toutefois je voudrais savoir si tu souscris à tout ce que je viens de dire. — L’E. J’y souscris entièrement, cartes paroles sont pour moi pleines de clarté et d’évidence. Je comprends aussi le changement de terme que tu viens d’introduire. 81) C’est-à-dire, relevant du sentiment.