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régions supérieures : ce qui se fait dans les âmes lorsqu’elles s’attachent à la lumière immuable et toute spirituelle qui est Dieu.

CHAPITRE II. Fiat lux : DIEU A-T-IL PRONONCÉ CETTE PAROLE PAR L’ENTREMISE D’UNE CRÉATURE OU PAR SON VERBE ?


4. Comment Dieu a-t-il dit : « Que, la lumière « soit ? » Est-ce dans le temps ou dans l’éternité de son Verbe ? Or, le : temps implique le changement ; dès lors Dieu n’a pu prononcer cette parole que par l’entremise d’une créature, puisqu’il est en dehors de tout changement. Mais si Dieu s’est servi d’une créature pour dire : « que la lumière soit » comment la lumière serait-elle le premier être créé, puisqu’il aurait existé antérieurement une créature qu’il aurait employée pour dire que la lumière soit ? » Faudrait-il, en se fondant sur le passage, « au commencement Dieu créa le ciel et la terre » admettre que la lumière n’a pas été créée au début, et que des lors une créature céleste a pu faire entendre dans la succession de la durée cette parole : « Que la lumière soit ? » S’il en était ainsi, ce serait à l’instant où fut créée la lumière visible aux yeux du corps, que Dieu aurait employé un pur esprit, créé antérieurement et au moment même qu’il fit le ciel et la terre, pour prononcer le Fiat lux, comme le pouvait prononcer par un mouvement intérieur et mystérieux, cette sorte de créature sous l’inspiration divine.
5. Ou bien encore, quand Dieu : dit : « que la lumière soit » aurait-il fait entendre un son matériel semblable à celui qui éclata, quand il dit : « Vous êtes mon Fils bien-aimé[1] ? » et par le moyen de la créature à qui il donna l’être au moment qu’il fit le ciel et la terre ; et avant la création de la lumière destinée à paraître au son de celle voix ? Et s’il en était ainsi, dans quelle langue aurait été prononcée là parole divine ; « Que la lumière soit ? » Les langues ne se diversifièrent qu’après le déluge, lorsqu’on éleva la tour de Babel[2]. Quelle serait donc cette langue simple, uniforme, dans laquelle Dieu aurait fait entendre : « Que la lumière soit ? » Quel serait l’être qui dut entendre, comprendre cette parole et lui servir comme d’écho ? Mais n’est-ce pas là un songe creux et une conjecture de la chair ?
6. Que faut-il donc dire ? L’idée cachée sous ces mots, « fiat lux » n’est-elle pas, au lieu du son même des mots, la véritable voix de Dieu ? Et cette idée, n’est-elle pas de la nature même du Verbe dont il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ? » Car, si « tout a été fait par lui[3]. » il est manifeste qu’il a fait également la lumière, au moment où Dieu a dit : « Que la lumière soit. » D’après ce principe, la parole divine : « Que la lumière soit » est éternelle ; car le Verbe de bien, Dieu au sein de Dieu, Fils unique de bien, est coéternel à son Père. Toutefois, la parole divine émise dans le Verbe éternel, n’a produit les créatures que dans le temps. Bien qu’en effet les expressions humaines d’époque, de jour, aient rapport à la durée, la désignation de l’instant où un acte divin doit s’accomplir est éternelle dans le Verbe ; quant à l’acte, il s’accomplit au moment où doit se réaliser la conception du Verbe, qui reste en dehors de tonte époque, parce que tout en lui est éternel.

CHAPITRE III. QU’EST-CE QUE LA LUMIÈRE ? POURQUOI DIEU N’AT-IL PAS DIT : Fiat cœlum, COMME IL A DIT : Fiat lux ?


7. La lumière est créée ; mais quelle est son essence ? faut-il y voir une créature intelligente ou un agent physique ? Dans le premier cas, elle serait le premier être créé et arrivé à la perfection en vertu de la parole souveraine. Car nommée d’abord le ciel, selon le passage : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre,» elle aurait été rappelée au Créateur, par la parole : « Que la lumière soit » et cette expression signifierait comment cette créature s’est attachée à Dieu et a été éclairée par lui.
8. Pourquoi a-t-il été dit : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » et n’a-t-il pas été écrit : Au commencement Dieu dit : que le ciel et la terre soient, et le ciel et la terre furent, en racontant cette création sois la même forme que celle de la lumière ? L’Écriture veut-elle embrasser sous l’expression générale de ciel et de terre la création tout entière, puis exposer en détail comment Dieu a agi, en répétant à chaque création spéciale : « Dieu dit » pour exprimer que Dieu a fait par son Verbe toutes ses œuvres ?

  1. Mt. 3, 17
  2. Gen. 11, 17
  3. Jn. 1, 1-3