Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/202

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ou qu’il n’est pas une création divine : non ; le jour, ouvrage du Seigneur, se reproduit à chaque création nouvelle, et se mesure, non au tour que décrit un astre, mais au mouvement qui s’opère dans la pensée des anges, quand ce chœur bienheureux contemple dans le Verbe, au commandement de la puissance créatrice : « fiat » le type de la créature qui va se former ; ce type se réfléchit dans leur intelligence, selon les formules de l’Écriture : « cela se fit » puis la créature elle-même se découvre à leurs regards, et cette clarté, plus obscure forme le soir ; enfin, cette connaissance qu’ils ont prise de l’être réalisé, ils la rapportent à la gloire de la vérité, où ils en ont contemplé le type ; c’est le matin. Les trois premiers jours de la création désignent donc un jour qui ne doit pas se mesurer comme le nôtre, sur le cours du soleil : il est d’une nature bien différente, et, ces trois jours dont il est parlé avant la création des astres dans le ciel peuvent nous en donner quelque idée. Loin d’expirer au quatrième jour, ce jour spécial se continue jusqu’au sixième et au septième, comme pour nous empêcher de calculer des jours ordinaires avec la naissance des astres : le jour et la nuit représentent donc des idées fort différentes, selon que Dieu les forma lorsqu’il « sépara la lumière d’avec les ténèbres » ou qu’il les établit, lorsqu’il assigna aux luminaires du ciel le rôle de séparer le jour d’avec la nuit[1]. » Il créa le jour ordinaire, au moment qu’il créa le soleil dont la présence à l’horizon fait le jour actuel ; mais cet autre jour créé d’abord était déjà reproduit pour la troisième fois, lorsqu’à la quatrième aurore les luminaires furent créés.

CHAPITRE XXVII. LES JOURS DE LA SEMAINE NE RESSEMBLENT PAS AUX JOURS DE LA GENÈSE.


44. Dans la condition où nous sommes placés ici-bas, il nous est impossible de vérifier par l’expérience, la durée du jour primitif ou des jours qui en furent la reproduction : nous ne pouvons que faire des hypothèses. On ne doit donc pas précipiter son jugement ni se figurer que son hypothèse est le dernier degré de la vraisemblance et de la probabilité. Toutefois, les sept jours de la semaine, de cette période qui laisse le temps s’enfuir et tour à tour le ramène, et dans laquelle chaque jour s’étend dû lever au coucher du soleil, ne sauraient représenter les sept jours primitifs : il est hors de doute qu’entre ces deux révolutions il y a peu de rapports et des différences profondes.

CHAPITRE XXVIII. CETTE EXPLICATION DE LA LUMIÈRE ET DU JOUR N’EST POINT UNE ALLÉGORIE.


45. Qu’on ne s’imagine pas que cette lumière toute intellectuelle, cette création des anges et d’un jour qui ne brille que pour les esprits, cette vision en Dieu, cette perception des êtres créés, ce retour à l’immuable Vérité où le type des créatures s’est révélé aux anges avant de leur apparaître dans la réalité ; qu’on ne s’imagine pas, dis-je, que ces mouvements spirituels ne soient qu’une figure, ##REM nue allégorie pour représenter le jour, le matin et le soir. Sans doute on ne retrouve pas ici les phénomènes produits chaque jour par la lumière physique : mais il ne faut pas croire que le symbole soit substitué à la réalité. Plus la lumière est pure, excellente, plus il règne un jour véritable. Pourquoi n’y aurait-il pas également un soir, un matin plus purs que les nôtres ? Si aujourd’hui la lumière s’affaiblit au coucher du soleil, et forme le soir par son déclin ; si elle reparaît à l’Orient et forme le matin, pourquoi n’appellerait-on pas soir le moment où l’intelligence s’abaisse du Créateur à la créature, et matin celui où elle s’élève du spectacle des créatures à la glorification du Créateur ? Jésus-Christ n’est pas appelé lumière[2] au même sens qu’il est appelé la principale pierre de l’angle[3] ! De ces deux expressions, l’une est prise au sens propre, l’autre n’est qu’une figure. Si donc on n’approuve pas cette manière de compter les six jours, telle que notre faiblesse nous a permis de la découvrir ou de l’imaginer et qu’on veuille en chercher une autre plus satisfaisante dans la nature même des êtres créés, en dehors de tout sens prophétique ou allégorique, qu’on cherche et qu’on réussisse à trouver avec l’aide du ciel. Je ne désespère pas de découvrir moi-même une autre explication mieux appropriée encore aux paroles de l’Écriture. En avançant cette opinion je ne prétends pas qu’il soit impossible d’en trouver une plus plausible ; j’affirme, je l’avoue, avec plus de confiance que l’Écriture sainte, en parlant du repos de Dieu, n’a voulu nous montrer en lui ni fatigue ni accablement.

  1. Gen. 1, 14
  2. Jn. 8, 12
  3. Act. 4, 11