Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/203

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CHAPITRE XXIX. DU JOUR, DU MATIN, DU SOIR, EN TANT QU’OPÉRATIONS INTELLECTUELLES DES ANGES.


46. On sera peut-être même tenté de provoquer une discussion avec moi, et de m’objecter que les anges au plus haut des cieux ne contemplent pas d’abord le type éternel des créatures au sein de la vérité immuable, puis les créatures en elles-mêmes, pour rapporter enfin cette connaissance à la gloire de Dieu ; mais que leur intelligence exécute à la fois toutes ces opérations avec une aisance merveilleuse. Eh bien ! Niera-t-on, ou méritera-t-on d’être écouté, si on le nie, que la cité céleste, formée de tant de milliers d’anges, voit l’éternité du Créateur, connaît l’existence éphémère des créatures, et de cette idée subalterne s’élève à la glorification de Dieu ? Qu’ils puissent accomplir cette triple opération et qu’ils l’accomplissent simultanément, il n’en est pas moins vrai qu’ils peuvent l’accomplir et qu’ils l’accomplissent. Donc pour eux jour, soir, matin, tout est simultané.

CHAPITRE XXX. LA SCIENCE DES ANGES N’EST PAS RABAISSÉE PARCE QU’ELLE DEVIENT TOUR-A-TOUR PLUS OBSCURE OU PLUS VIVE.


47. Tout esprit capable de s’élever à ces considérations n’ira point sans doute s’imaginer que ces mouvements dans les intelligences célestes sont impossibles, parce que les phénomènes analogues dans l’ordre physique ne peuvent avoir lieu avec le jour, tel qu’on le mesure aujourd’hui sur le cours du soleil. Le phénomène ne se produit pas dans les mêmes contrées à la fois, je l’avoue : mais qui ne voit avec un peu d’attention que l’univers entier atout à la fois le jour et la nuit, le matin et le soir, à mesure que le soleil brille sur un pays et en disparaît, à mesure qu’il s’approche d’un lieu ou s’en éloigne ? Ces phénomènes ne sont point simultanés pour – nous sur ce globe ; mais ce n’est point une raison pour assimiler l’ordre qui règne ici-bas et la révolution accomplie dans l’espace et dans le temps par la lumière physique, aux harmonies de la patrie céleste, où la contemplation de l’immuable vérité fait régner un jour éternel, où la connaissance de la création en elle-même suivie d’un élan pour bénir le Créateur produisent perpétuellement le soir et le matin. Le soir, loin d’y naître par le déclin du soleil, n’est qu’une vue jetée en bas sur la créature : le matin n’y succède pas à la nuit, comme une idée nouvelle à l’ignorance, c’est le moment où de la pénombre du soir l’intelligence s’élève pour louer Dieu. Le Psalmiste s’écrie, sans nommer la nuit : « Je louerai et je raconterai vos merveilles le soir, le matin et à midi, et vous écouterez ma voix[1]. » Tout en distinguant certains points dans la durée, le Psalmiste veut parler, à mon sens, d’actes indépendants de la succession des temps, au sein de la patrie, après laquelle son exil le faisait soupirer.

CHAPITRE XXXI. AU DÉBUT DE LA CRÉATION, LE JOUR, LE SOIR ET LE MATIN, APPARURENT SUCCESSIVEMENT AUX ANGES.


48. Le chœur des anges possède à la fois toutes ces connaissances dans l’unité du jour créé primitivement par le Seigneur. En fut-il de même au début de la création ? N’est-il pas vrai, au contraire, que, dans les six jours où il plaisait à Dieu de composer successivement ses ouvrages, les anges voyaient d’abord dans le Verbe le type de l’œuvre, qui prenait une première forme clans leur intelligence, selon la parole : « cela se fit » qu’ensuite, ils connaissaient l’œuvre réalisée dans sa nature, lorsque Dieu l’avait composée et en avait approuvé l’excellence ; et cette connaissance, reflet affaibli de la première formait le soir ; qu’enfin le matin apparaissait, au moment où ils louaient Dieu en son œuvre et qu’ils étaient initiés par le Verbe à la création qui allait s’accomplir ? Par conséquent ces trois époques, jour, soif, matin, n’étaient pas, alors connues simultanément ; elles se succédaient dans l’ordre marqué par l’Écriture.

CHAPITRE XXXII. LA SIMULTANÉITÉ DE CES IDÉES N’EN EXCLUERAIT PAS L’ORDRE SUCCESSIF.


49. Toutefois, comme ces opérations n’étaient pas subordonnées à la marche du temps et ne se produisaient pas avec la lenteur de la révolution du soleil, ne pourrait-on en concevoir la simultanéité en songeant à l’intelligence puissante qui aurait permis aux anges d’embrasser à la fois

  1. Ps. 54, 18