Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/234

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CHAPITRE PREMIER. PRÉLIMINAIRES DE CE LIVRE.


1. « Et Dieu fit l’homme du limon de la terre et il souffla sur sa face un souffle de vie : et l’homme fut fait âme vivante. [1] » Telles sont les paroles de l’Écriture qu’au début du livre précédent nous nous étions proposé de commenter : nous avons exposé la formation de l’homme en général et de son corps en particulier, avec tout le développement qui nous a semblé nécessaire et conforme à l’esprit des saints livres. Comme l’âme humaine soulève une question des plus hautes, nous avons songé à en faire le sujet d’un livre spécial. Nous ne savions pas jusqu’à quel point le Seigneur seconderait notre ardent désir d’en parler avec justesse ; ce qui n’était pas un secret pour nous, c’est que son secours nous était indispensable pour tenir ce langage. Or la justesse ici consiste à éviter avec sincérité et mesure toute réfutation hasardée, comme toute assertion téméraire, sur les points vrais ou faux, que la foi ou la science chrétienne n’ont point encore fixés ; elle consiste en même temps à affirmer sans hésitation les vérités démontrées par l’évidence même ou appuyées sur l’autorité infaillible de l’Écriture.
2. Examinons d’abord le texte : ##Rem «  flavit vel sufflavi ti faciem ejus. » Quelques manuscrits portent spiravit ou inspiravit. La version des Septante donnant enephusesen, l’expression exacte doit être flavit ou sufflavit. Nous avons vu dans le livre précédent ce qu’il fallait entendre par les mains de Dieu, quand il forma l’homme du limon de la terre : n’est-il pas également clair que Dieu, pour souffler sur la face de l’homme n’employa ni gosier ni lèvres ? Cependant cette expression de l’Écriture nous servira autant que je puis croire, à étudier un problème aussi compliqué

CHAPITRE II. LA SUBSTANCE DE L’ÂME N’EST PAS LA MÊME QUE CELLE DE DIEU.


3. Quelques-uns en effet se sont appuyés sur cette expression pour prétendre que l’âme est une émanation de la substance divine et participe à sa nature, l’homme ne pouvant souffler, disent-ils, sans laisser échapper quelque chose de son être ; mais nous devons plutôt y voir un engagement à repousser une opinion si dangereuse pour la foi chrétienne. Nous croyons que la substance et la nature de Dieu est absolument immuable ; beaucoup le croient, peu le comprennent. Or, peut-on douter que l’âme ne change soit en bien soit en mal ? Par conséquent l’opinion qui va jusqu’à identifier la substance de l’âme avec celle de Dieu, est une impiété : ne se réduit-elle pas à faire de Dieu un être changeant ? Il faut donc croire et bien se convaincre, en écartant l’ombre même d’un doute, que d’après la véritable foi l’âme vient de Dieu, comme son ouvrage et non comme une émanation, quelle que soit la manière dont il l’ait fait naître ou appelée à l’existence.

CHAPITRE III. SUITE DU MÊME SUJET.


4. Mais, dit-on, à quel titre est-il écrit que « Dieu souffla sur la face de l’homme pour faire « de lui une âme vivante, n si l’âme n’est pas une parcelle de Dieu ou une substance absolument identique ? C’est une erreur, et l’expression même de l’Écriture suffit à la faire pleinement sentir. Dans l’acte de souffler, l’âme met en mouvement le corps qui lui est soumis, et en tire, au lieu de l’emprunter à sa propre substance, l’air qu’elle chasse. Serait-on assez peu instruit pour ignorer que, dans le phénomène de la respiration, on absorbe et on chasse tour à tour l’air ambiant, et qu’il suffit de la volonté pour produire du vent par la même opération ? Lors même que nous n’emprunterions pas à l’air extérieur, mais à la propre substance du corps, le

  1. Gen. 2, 7