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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/277

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une âme bonne, et devenant meilleur, je m’unis à un corps pur[1]. » Ce texte, en effet, semble être favorable, non à l’hypothèse selon laquelle toutes les âmes sortiraient d’une seule par propagation, mais à celle qui fait descendre les âmes d’en haut pour s’associer à un corps. « J’avais reçu une âme bonne » qu’est-ce à dire ? Il semblerait que dans le principe où les âmes sont renfermées, si toutefois ce principe existe, les unes sont bonnes, les autres non, et qu’elles en sortent selon la destinée imposée à chaque homme, ou que Dieu, au moment de la conception, de la naissance même, en crée de bonnes et de mauvaises qui se repartissent au hasard. Il serait par trop étrange que ce texte fût favorable aux partisans de la création successive des âmes plutôt qu’à ceux qui prétendent que les âmes sont envoyées dans tel ou tel corps selon les mérites qu’elles ont acquis dans une vie antérieure. Quelle autre.raisonque celle des bonnes œuvres pourrait expliquer l’arrivée d’une âme bonne ou mauvaise dans le corps d’un homme ? Elles ne peuvent être telles assurément dans l’essence qu’elles tiennent de Celui qui a créé toutes les substances ##Rem qu’elles a créées excellentes. Mais loin de moi la pensée de contredire l’Apôtre qui nous révèle que les enfants de Rebecca, étant encore dans son sein, n’avaient fait ni bien ni mal avant leur naissance, et qui prouve par là que cette prédiction : « L’aîné sera assujetti au plus jeune » n’avait aucun rapport à leurs œuvres, mais à la volonté de celui qui appelle[2]. Oublions donc un moment ce passage du livre de la Sagesse ; car, il faut aussi tenir compte de l’opinion vraie ou fausse d’après laquelle ces paroles concernent uniquement l’âme du Christ, Médiateur entre Dieu et les hommes. S’il le faut, nous examinerons plus bas quel est le sens de ce texte, à supposer qu’il ne s’applique pas à Jésus-Christ, de peur de contredire un dogme enseigné par l’Apôtre, en croyant que les âmes acquièrent des mérites personnels, avant de vivre unies à un corps.

CHAPITRE VIII. D’UN PASSAGE DU PSALMISTE : QU’IL NE CONTRARIE AUCUNE DE CES HYPOTHÈSES.


13. Examinons maintenant cet autre passage « Vous retirerez leur souffle, elles détailleront dans leur poussière. Vous renverrez votre souffle, elles seront créées et vous renouvellerez la face de la terre [3]. » Ces paroles semblent offrir un sens favorable à ceux qui pensent que les parents produisent l’âme aussi bien que le corps de leurs enfants. Le Psalmiste en disant « leur souffle » propre, indique une transmission d’homme à homme. Mais les hommes ne sauraient rendre le souffle aux morts pour les ressusciter, parce que loin de le recevoir d’une âme humaine comme au moment de la naissance, on le recouvre par la puissance du Dieu « qui ressuscite les morts.[4] » Voilà pourquoi le Psalmiste dit à la fois le souffle des hommes et le souffle de Dieu : le souffle des hommes quand ils meurent, le souffle de Dieu quand ils ressuscitent. D’autre part ceux qui prétendent que les âmes ne sont point transmises par les parents, mais que Dieu les envoie, peuvent concilier ce texte avec leur opinion, en disant que le souffle est propre à l’homme quand il meurt, en ce sens qu’il était en lui et qu’il en sort ; et qu’il appartient à Dieu au moment de la résurrection, parce qu’il rend l’âme qu’il avait envoyée au moment de la naissance. Ainsi ce témoignage ne contredit aucune des deux hypothèses.
14. A mon sens, ce texte s’entendrait mieux de la grâce divine qui nous renouvelle intérieurement. L’orgueilleux qui vivait d’après les instincts de l’homme terrestre et qui rapportait tout à sa vanité, voit se retirer en quelque sorte son souffle propre, lorsqu’il se dépouille du vieil homme, qu’il s’abaisse, afin de bannir l’orgueil pour devenir parfait, et qu’il dit au Seigneur avec un humble aveu : « Souvenez-vous que je suis poussière[5] » après avoir entendu cet avis de l’Écriture : « Pourquoi la cendre et la poussière s’enorgueillit-elle ? Contemplant avec les yeux de la foi la justice de Dieu, pour ne plus chercher à établir la justice de ses œuvres,[6] » il se méprise comme dit Job, se dessèche et ne voit en lui que cendre et poussière, et c’est ainsi « qu’il rentre dans sa poussière. » Mais quand il a reçu l’esprit de Dieu, il s’écrie : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus-Christ qui vit en moi,[7] » et c’est ainsi que la grâce du nouveau Testament « renouvelle la face de la terre » et multiplie les saints.

  1. Sages. 8, 19, 29
  2. Rom. 9, 10-13
  3. Ps. 103, 29, 30
  4. 2 Mac. 7, 23
  5. Ps. 102, 14
  6. Rom. 10, 3
  7. Gal. 2, 20