Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/276

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donc, comme le Seigneur me l’avait commandé, et l’Esprit entra en eux, et ils reprirent la vie, et ils se tinrent sur leurs pieds et ils formaient une troupe considérable[1]. » Ces paroles cachent selon moi une prophétie et nous révèlent que les hommes ressusciteront non seulement dans la campagne où s’est montrée la vision, mais encore dans le monde entier, désigné par les vents qui soufflent des quatre coins de l’univers. N’allons pas voir en effet la substance même de l’Esprit-Saint dans le souffle que Notre-Seigneur tira de son corps pour le répandre sur ses disciples, quand il leur dit : « Recevez l’Esprit-Saint[2] » non ; Jésus-Christ révèle que le Saint-Esprit procède de lui comme le souffle procède de son corps. Mais le monde n’étant point uni à Dieu hypostatiquement, comme le corps de Jésus-Christ l’est au Verbe, Fils unique de Dieu, nous ne saurions dire que l’âme sort de la substance divine, au même titre que le souffle, qui part des quatre coins de l’univers, est formé de ses éléments. À mes yeux, ce souffle était une réalité et un symbole, comme on peut très bien le concevoir par le souffle que le Seigneur tiré de son corps, et lors même que le prophète aurait moins exposé la résurrection de la chair, telle qu’elle doit un jour s’accomplir, qu’il n’aurait révélé par une allégorie le rétablissement inespéré d’un peuple détruit en apparence, par la vertu de l’Esprit qui a rempli l’univers[3].

CHAPITRE VI. TEXTES DE L’ÉCRITURE QUI PEUVENT S’ENTENDRE DE LA CRÉATION SUCCESSIVE ET DE LA TRANSMISSION DES ÂMES.


9. Voyons maintenant en faveur de quelle hypothèse l’Écriture fait pencher la balance : en d’autres termes est-il plus conforme à l’Écriture que Dieu ait créé et donné au premier homme une âme destinée à produire toutes les autres, par une loi analogue à celle qui devait faire sortir du corps d’Adam le corps de tous les hommes, ou que Dieu crée successivement les âmes comme il en a créé une pour le premier homme, sans que celle-ci ait servi de principe générateur aux autres ? Le passage d’Isaïe : « C’est moi qui ai créé tout souffle[4] » tout en s’appliquant à l’âme, comme on le voit clairement par le contexte, s’explique dans les deux hypothèses. En effet, que Dieu tire les âmes de l’âme du premier homme, ou qu’il les crée d’après une loi qu’il s’est réservé d’appliquer, il est toujours et absolument le créateur des âmes.
10. Ces paroles du Psalmiste : « Il a formé le cœur de chacun d’eux [5] » à prendre le cœur pour une expression qui désigne l’âme, se concilient également bien avec l’une ou l’autre des deux hypothèses que nous discutons. Dieu, en effet, forme chaque âme soit qu’il la tire de celle qu’il souffla sur la face du premier homme, de la même manière qu’il forme chaque corps, soit qu’il les façonne et les envoie dans chaque corps, ou même qu’il les façonne dans le corps même ou il les a envoyées. A mon sens toutefois, ces paroles ne s’appliquent qu’à la régénération qui s’accomplit chez l’âme par la vertu de la grâce et y renouvelle l’image de Dieu. « C’est la grâce, dit l’Apôtre, qui vous a sauvés par la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est un pur don de Dieu, et non le fruit de vos œuvres, de sorte que l’homme ne peut s’en rapporter la gloire. En effet, nous sommes son œuvre, créés en Jésus-Christ, pour opérer de bonnes œuvres[6]. » Il ne faudrait pas voir dans cette grâce de la création une formation matérielle ; il faut l’entendre d’après ces paroles du Psalmiste : « O Dieu, créez en moi un cœur pur[7]. »
11. J’expliquerai encore de la même manière le passage où il est dit que Dieu façonna l’esprit de l’homme au dedans de lui [8]. L’acte par lequel Dieu crée l’âme et l’envoie dans le corps y semble distinct de l’acte par lequel il la crée dans l’homme lui-même, c’est-à-dire la renouvelle. Mais supposons qu’il soit ici question de l’origine de l’homme et non de sa régénération par la grâce : ce texte peut s’expliquer dans les deux opinions. Dieu en effet peut tirer de l’âme unique du premier homme le germe de l’âme, pour ainsi dire, et le façonner au dedans de l’homme afin de vivifier son corps ; il peut encore répandre l’esprit de vie dans le corps par une autre voie que la transmission, et le façonner dans cette organisation mortelle, pour faire de l’homme une âme vivante.

CHAPITRE VII. D’UN PASSAGE DE LA SAGESSE : À QUELLE HYPOTHÈSE EST-IL FAVORABLE.


12. Voici un texte du livre de la Sagesse qui demande un examen plus attentif : « J’ai reçu

  1. Eze. 37, 9-10
  2. Jn. 20, 22
  3. Sag. 1, 7
  4. Is. 57, 18
  5. Ps. 32, 15
  6. Eph. 2, 8-10
  7. Ps. 50, 12
  8. Zach. 12, 1