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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/305

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de résoudre dans les deux livres sur la Genèse, publiés contre les Manichéens, et si je trouve ailleurs occasion de l’approfondir, Dieu me prêtera son secours pour la développer encore ; mais en ce moment je dois poursuivre mon plan sans m’en laisser distraire.

CHAPITRE XXXVII. DU CHÂTIMENT INFLIGÉ A LA FEMME.


50. « Puis il dit à la femme : Je multiplierai tes douleurs et tes gémissements : tu enfanteras dans la douleur ; tu seras tournée vers ton mari et il dominera sur toi. » Il était également plus aisé d’entendre au sens figuré et prophétique cet arrêt que Dieu prononce sur la femme. Mais observons que la femme n’avait point encore été mère, et que les douleurs de l’enfantement étaient attachées à ce corps où le péché avait introduit la mort, à ce corps, animal sans doute, mais destiné à ne jamais périr si l’homme n’avait péché, et à se transformer glorieusement après une vertueuse existence, comme je l’ai dit souvent ; on peut donc entendre ce châtiment à la lettre. Toutefois il reste encore à examiner comment on peut expliquer littéralement ces mots : « Tu seras tournée vers ton mari et il dominera sur toi. » En effet, il est naturel de croire que la femme, même avant le péché, était faite pour être soumise à l’homme et pour rester tournée vers lui en vertu de sa subordination. Mais on peut fort bien admettre qu’il s’agit ici de cette sujétion qui tient à la condition plutôt qu’à l’attachement, de telle sorte que l’esclavage qui plus tard mit un homme au service d’un autre, serait un châtiment du péché. L’Apôtre dit sans doute : « Assujettissez-vous les uns aux autres par la charité[1] » mais il n’aurait jamais dit : « Dominez les uns sur les autres. » Les époux peuvent donc s’assujettir l’un à l’autre par la charité ; mais l’Apôtre ne permet pas à la femme de dominer[2]. C’est un droit que l’arrêt du Seigneur a consacré pour l’homme ; la femme a été condamnée par sa faute plutôt que par la nature à trouver dans son mari un maître : toutefois elle doit rester soumise, sous peine de se dégrader encore et d’augmenter sa faute.

CHAPITRE XXXVIII. CHÂTIMENT INFLIGÉ A L’HOMME DU NOM QU’IL DONNA A LA FEMME.


51. « Puis il dit à Adam : Puisque tu as obéi à la parole de ta femme et que tu as mangé de l’arbre auquel je t’avais défendu de toucher ; la terre sera maudite à cause de toi ; tu en mangeras dans la douleur tous les jours de ta vie. Elle te produira des épines et des chardons, et tu mangeras l’herbe des champs. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre dont tu as été pris : car tu es poussière et tu retourneras en poussière. » Voilà bien les peines de l’homme ici-bas, qui l’ignore ? Elles n’auraient jamais existé, si nous jouissions encore de la félicité qui régnait dans l’Eden, on n’en saurait douter ; dès lors n’hésitons pas à prendre ces expressions à la lettre. Toutefois elles renferment un sens prophétique qu’il faut garder comme un principe d’espérance, parce qu’il est le but où tendent les paroles du Seigneur. D’ailleurs ce n’est pas en vain qu’Adam, guidé par une inspiration sublime, a donné à sa femme le nom de vie, en ajoutant « qu’elle serait la mère de tous les vivants. » Car ces derniers mots ne sont point un récit, une assertion de l’historien : ce sont les paroles même dont l’homme s’est servi pour expliquer à quel titre il avait donné ce nom à son épouse.

CHAPITRE XXXIX. DES ROBES DE PEAUX : CONDAMNATION DE L’ORGUEIL


52. « Et le Seigneur Dieu fit à Adam et à sa femme des robes de peaux et les en revêtit. » C’est là un fait réel, quoiqu’il soit en même temps allégorique ; de même que les paroles précédentes, tout en cachant une prophétie, avaient été réellement prononcées. Je l’ai dit, je ne me lasse pas de le redire : le devoir d’un historien consiste à raconter les faits, tels qu’ils ont eu lieu, à citer les paroles, telles qu’elles ont été prononcées. Si l’on examine à la fois dans un fait son authenticité et sa signification, on doit voir dans les paroles et les mots et leur sens. Qu’on entende à la lettre ou au figuré des paroles que le récit reproduit comme vraies, il n’importe c’est un fait et non une figure, qu’elles ont été prononcées.

  1. Gal. 5, 43
  2. 1 Tim. 2, 12