Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/386

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– On demande ce que veulent dire ces mots : « Et Héber eut deux fils : l’un s’appela Phaleg, parce que la terre fut divisée de son temps. » Ne signifient-ils pas que pendant la vie de Phaleg eut lieu la confusion des langues, source de la division des peuples ?


XX. (Ib. 11, 1.) Unité de langage.
– « Et toute la terre n’avait qu’une langue. » Comment ce passage peut-il être entendu, quand il a été dit plus haut que les enfants de Noé ou les enfants de ses enfants se répandirent sur la terre selon leurs tribus, leurs nations et leurs langues ? N’était-ce point parce que le texte rappelle ici, par mode de récapitulation, les choses qui sont arrivées antérieurement ? L’obscurité vient de ce que la trame du récit présente cet évènement comme s’il était arrivé après ceux qui l’ont suivi.
XXI. (Ib. 11, 4.) Tour de Babel.
– « Venez, bâtissons une ville et une tour dont le sommet montera jusqu’au ciel. » Si ces hommes ont cru réellement pouvoir y atteindre, leur projet dénote une impiété et une audace profondément insensées. – Toutefois la vengeance divine qui s’en est suivie, et la confusion des langues, autorisent à croire qu’ils ont eu cette pensée.
XXII. (Ib. 11, 7.) Trinité des personnes dans l’unité de la nature divine.
– « Venez, descendons et confondons leurs langages : qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres. » Est-ce aux Anges que Dieu adressa ce discours, ou faut-il l’interpréter dans le même sens que ces paroles du commencement de la Genèse : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance[1] ? » Car de même qu’il est dit ensuite au singulier que « le Seigneur confondit les langues de la terre » de même, dans le passage en question, après qu’il a été dit : « Faisons à notre image » il n’est pas dit : Ils firent, mais « Dieu fit. »
XXIII. (Ib. 11, 12-13.) Durée de la vie des hommes avant le déluge. – Il est écrit : « Et Arphaxad avait cent trente-cinq ans, lorsqu’il engendra Chaïnan ; et après avoir engendré Chaïnan, il vécut quatre cents ans » ou, selon le grec, « trois cents ans. » On demande, à ce propos, comment Dieu a dit à Noé : « Désormais la vie des hommes ne dépassera pas cent-vingt ans. » Arphaxad n’était pas né encore, lorsque Dieu prononça ces paroles ; il ne fut pas non plus dans l’arche avec ses parents : comment donc concilier les cent-vingt années, données pour limite à la vie humaine, avec les quatre cents ans et plus que vécut cet homme ? Cet arrêt, Dieu ne l’aurait-il pas fait entendre à son serviteur, en lui annonçant le déluge qu’il devait envoyer, vingt ans avant le commencement de la construction de l’arche, qui ne fût construite qu’en cent années, et n’aurait-il pas prédit dans cette circonstance la durée des hommes que le déluge devait engloutir, non celle de la vie des hommes qui naîtraient après le déluge ?
XXIV. (Ib. 10, 21.) Origine du nom des Hébreux. – On demande pourquoi il est écrit : « Sem fut le père de tous les enfants d’Héber » car Héber est le descendant de Sein, fils de Noé, à la cinquième génération. Serait-ce parce que les Hébreux tiennent leur nom de lui ? C’est de lui en effet que descend Abraham. Lequel, est donc le plus probable, que les Hébreux soient ainsi nommés d’Héber ou d’Abraham : c’est une question qui mérite d’être posée[2].
XXV. (Ib. 11, 26.) Quand Abraham fut-il établi dans la terre de Chanaan ?
– 1. Tharra, père d’Abraham, engendra ce dernier à l’âge de soixante-dix ans ; il demeura ensuite à Chanaan avec tous les siens, y vécut deux cent cinq ans, et y mourut. Le Seigneur dit ensuite à Abraham de sortir de Chanaan, et celui-ci en sortit en effet, à l’âge de soixante-quinze ans. Comment faut-il entendre tout cela ? Ne faut-il pas voir dans cette récapitulation que le Seigneur se fit entendre du vivant de Tharra, qu’Abraham sortit de Chanaan, conformément à l’ordre de Dieu, du vivant de son père ; qu’il avait alors soixante-quinze ans, et son père cent quarante-cinq, dans le cas où la vie ce dernier aurait été de deux cent cinq ans ? Par conséquent, s’il est écrit : « Tharra vécut deux cent cinq ans à Chanaan » c’est parce qu’il finit ses jours dans ce pays. La question se trouve donc résolue de cette manière, tandis qu’elle demeurerait insoluble, si nous admettions que le Seigneur ne donna à Abraham l’ordre de quitter Chanaan qu’après la mort de Tharra ; car il devait avoir plus de soixante-quinze ans lorsque mourut son aère, puisque celui-ci l’avait engendré à l’âge de soixante-dix ans : en conséquence, Abraham avait cent trente-cinq ans à la mort de son père, si ce dernier a vécu deux cent cinq ans. C’est ainsi qu’en tenant compte du mode de récapitulation employé dans l’Écriture, on résout un grand nombre de difficultés, qui peuvent paraître échapper à toute solution,

  1. Gen. 1, 26
  2. Cité de Dieu, liv. 16, ch. 3 ; Rétractations, liv. 2, ch. 16.