Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/390

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en âge. S’il eut des enfants de Céthura, c’est parce qu’il la prit jeune encore. Les médecins disent en effet que l’homme, dont les forces sont déjà assez affaiblies, pour qu’il ne puisse avoir d’enfants d’une femme avancée en âge, lors même que celle-ci éprouverait ce qui arrive à son sexe, peut en avoir d’une femme jeune. Et réciproquement, la femme avancée en âge, qui ne peut avoir d’enfants de son union avec un homme âgé, quand même elle éprouverait ce qui arrive aux femmes, peut en avoir de son union avec un homme jeune. Ce miracle ici consiste donc en ce que, suivant ce que nous avons dit, en même temps que le corps du mari était comme mort, la femme était si avancée en âge que ce qui arrive d’ordinaire à son sexe avait cessé pour elle. Si l’on presse ce mot de l’Apôtre : « Son corps était déjà mort » car il dit : mort, il ne faudrait pas entendre que ce corps avait encore de la vie, mais qu’il était un cadavre ; ce qui est de la dernière absurdité. La question se trouve donc résolue de cette manière ; sinon, on ne comprendra pas comment l’Apôtre dit d’Abraham, qui était arrivé à peu près à l’âge moyen des hommes d’alors et eut ensuite des enfants de Céthura, que son corps était mort et qu’il engendra pas miracle.

XXXVI. (Ib. 18, 13.) Pourquoi Dieu reprend le rire de Sara et non celui d’Abraham ? — « Et le Seigneur dit à Abraham : Pourquoi Sara a-t-elle ri, disant en elle-même : Serait-il donc vrai que j’eusse un enfant, étant vieille comme je suis ? » On demande pourquoi le Seigneur lui fait un reproche, puisque Abraham a ri également ? N’est-ce point parce que celui-ci a ri d’admiration et de joie, tandis que Sara a ri sous l’impression du doute ? Et Celui qui connaît le cœur des hommes, n’a-t-il pu voir cette différence ?

XXXVII.. (Ib. 18, 15.) À quel signe Abraham et Sara reconnurent-ils les Anges ? — « Sara nia en disant : Je n’ai pas ri, car elle eût peur. » Comment comprenaient-ils que Dieu lui-même leur parlait, puisque Sara osa nier qu’elle eût ri, comme si Dieu pouvait l’ignorer ? N’est-ce point peut-être parce que Sara prenait les anges pour des hommes, tandis qu’Abraham voyait en eux Dieu lui-même ? Cependant lorsqu’il leur rendit, comme nous l’avons rappelé plus haut, les devoirs de l’hospitalité, dont le besoin ne se fait sentir qu’à une chair fragile, je m’étonne s’il ne les prit pas d’abord pour des hommes ; mais peut-être reconnut-il que Dieu parlait en eux, à certains signes réels et apparents de la majesté divine, ainsi qu’il s’en montre souvent, au témoignage de l’Écriture, dans les hommes de Dieu. Mais s’il en est ainsi, il faut examiner encore à quel signe ils reconnurent ensuite que c’étaient des anges ? Serait-ce au moment où ceux-ci remontèrent au ciel en leur présence ?

XXXVIII. (Ib. 18, 19.) Dieu promet de récompenser l’obéissance des enfants d’Abraham. — « Car je sais qu’il instruira ses enfants, et sa maison après lui ; ils garderont les voies du Seigneur, et agiront selon l’équité et la justice, afin que le Seigneur accomplisse en faveur d’Abraham tout ce qu’il lui a promis. » C’est ici que le Seigneur promet à Abraham, outre les récompenses, l’obéissance fidèle qui attirera sur ses enfants l’accomplissement des promesses divines.

XXXIX. (Ib. 18, 21.) Dieu, parlant aux hommes, s’abaisse à leur langage. — « Je descendrai donc, je verrai et je saurai si, oui ou non, leur iniquité s’est consommée, comme l’annonce leur clameur qui vient jusqu’à moi. » En prenant ces paroles comme l’expression, non d’un doute sur ce qui arrivera, mais de la colère et de la menace, nous n’avons pas de question à poser. Dieu en effet parle aux hommes leur langage dans l’Écriture, et ceux qui le connaissent, savent que sa colère est exempte de toute passion. Nous disons souvent nous-mêmes, en forme de menace : Voyons si je ne te fais pas ceci, voyons si je ne lui ferai pas cela ; et encore : Si je ne puis pas te faire telle ou telle chose ; ou bien : Je saurai, c’est-à-dire, je m’assurerai si je ne puis pas faire cela. L’émotion de la colère et non l’ignorance se trahit dans ces menaces. Dieu donc est inaccessible au trouble ; mais le langage humain se proportionne ordinairement à l’humaine faiblesse, et à cette faiblesse Dieu adapte ses paroles.

XL. (Ib. 18, 32.) Dieu pardonne-t-il partout où il trouve dix justes ? — On demande souvent si ce que Dieu dit de Sodome, qu’il ne la perdrait pas, s’il ne s’y trouvait même que dix justes, doit s’entendre d’un décret particulier à cette ville, ou s’il faut considérer comme une loi générale et universelle, que Dieu pardonne à tout pays au milieu duquel il rencontre dix justes ? D’abord il n’y a rien qui nous oblige à voir ici une loi générale ; mais, en ce qui concerne Sodome, Dieu a pu tenir ce langage, parce qu’il savait qu’elle ne contenait pas même dix justes ; et sa réponse avait