Lia, Jacob servit encore pendant sept années pour Rachel et qu’ensuite il l’épousa. Mais telle n’est pas la vérité ; Laban lui dit : « Achève donc la semaine de celle-ci et je te donnerai l’autre encore pour l’ouvrage que tu feras chez moi pendant sept autres années. » Ainsi ces paroles : « Achève la semaine de celle-ci » se rapportent à la célébration des noces, dont les fêtes durent ordinairement sept jours. Il dit donc : Passe les sept jours de noces de celle que tu as épousée, puis je t’accorderai l’autre pour ce que tu feras encore chez moi pendant sept autres années. Il est dit en suite : « Jacob fit cela, et passa la semaine de Lia, c’est-à-dire les sept jours de ses noces, et Laban lui donna sa fille Rachel pour épouse. Et Laban donna pour servante à Rachel, sa fille, sa servante Balla, et Jacob s’approcha de Rachel. Or, il aima Rachel plus que Lia, et il servit pendant sept autres années. » Il est donc clair que c’est après avoir épousé Rachel, qu’il servit pour elle sept autres années. Il eût été trop dur et trop injuste en effet de prolonger encore sept autres années sa déception, et de lui livrer seulement alors celle à laquelle il avait droit en premier lieu. Que ce fut bien la coutume de célébrer les noces pendant sept jours, le livre des Juges le fait voir aussi dans la personne de Samson. Il donna un festin pendant sept jours[1]. Et l’Écriture ajoute que tel était l’usage des jeunes gens. Or, Samson fit ce festin pour ses noces.
XC. (Ib. 30, 3-9.) Épouses et concubines.
– Parmi les femmes que nomme l’Écriture, on ne distingue pas facilement les épouses d’avec les concubines : ainsi Agar est appelée d’abord épouse puis concubine ; ainsi encore Céthura[2], et les servantes que Rachel et Lia donnèrent à leur mari[3]. N’est-ce pas que dans le style de l’Écriture toute concubine – est nommée épouse et non toute épouse concubine ; c’est-à-dire que Sara et Rébecca, Lia et Rachel, ne peuvent recevoir le nom de concubines ; tandis que Agar et Céthura, Balla et Zelfa, furent à la fois épouses et concubines.
XCI. (Ib. 30, 13-14.) Sur la fortune. – Les exemplaires latins portent qu’à la naissance d’un fils de Zelfa, Lia dit : « Je suis devenue heureuse ou bienheureuse ;» le grec porte : eutukhe, ce qui marque de préférence la bonne fortune. Des lecteurs inintelligents concluent de là que cet homme adorait la fortune ou que l’autorité des divines Écritures a consacré ce mot. Mais de deux choses, l’une : ou la fortune, sans être pourtant regardée comme une divinité, doit être prise pour ce qui semble arriver par hasard, tandis que tout ce qui paraît l’effet du hasard est soumis par Dieu à des causes cachées ; de là ces expressions que personne ne peut retirer du langage, par exemple : peut-être, par hasard, par accident, fortuitement. C’est ainsi encore que dans le grec on dit takha, peut-être, comme on dit tukhe hasard ; ou bien Lia s’est exprimée ainsi, parce qu’elle avait conservé cette habitude des païens, car ce n’est point Jacob qui a employé ce terme et on ne peut le considérer comme autorisé parle patriarche.
XCII. (Ib. 30, 30.) Observer le sens des paroles de l’Écriture.
– « Le Seigneur, dit Jacob, t’a béni dans ma démarche. » Il faut observer et noter avec soin le sens des Écritures, et ne pas regarder comme une espèce de devin celui qui tenait un pareil langage. Comme on serait loin du sens ! « Le Seigneur t’a béni dans ma démarche » signifie en effet depuis mon arrivée, et Jacob en rend grâces à Dieu.
XCIII. (Ib. 30, 37-42.) Sur l’industrie de Jacob pour varier la couleur des troupeaux.
– À propos de ce que fit Jacob, quand il ôta l’écorce des branches, en arrachant ce qui était vert pour qu’elles parussent tachetées de blanc, afin qu’au moment de la conception, lorsque les mères boiraient à l’eau des canaux et regarderaient sur les branches cette variété de couleurs, les petits des troupeaux devinssent aussi tachetés ; on dit que beaucoup de faits de même nature se produisent dans les petits des animaux. On rapporte même quelque chose de semblable d’une femme, et ce fait est décrit dans les livres d’Hippocrate, ce médecin si habile et de la plus haute antiquité, Une femme donc ayant mis au monde un enfant d’une rare beauté, qui n’ayant de ressemblance ni avec son père et sa mère ni avec sa famille, allait être, sous le soupçon d’adultère, condamnée au supplice. Mais le médecin que nous venons de nommer trancha la question, en donnant le conseil de rechercher s’il n’y avait pas dans la chambre à coucher quelque peinture ressemblante : on la trouva, et cette femme fut déchargée du soupçon. Revenons à ce que fit Jacob : on ne voit nullement de quelle utilité fut, pour la multiplication des animaux tachetés, la réunion de trois branches de différents arbres ; peu importait pour ce résultat que les branches tachetées provinssent d’une seule ou de plusieurs espèces d’arbre, puisque la variété des couleurs