Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/433

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même à propos de ce jamais dont parle l’auteur : car bien que ces deux peuples doivent se voir au jour de la résurrection, ce ne sera pas certainement dans le même état qu’aujourd’hui.
LII. (lb, 14, 15.) Sur le cri du cœur.
– Que signifie cette parole du Seigneur à Moïse : « Pourquoi cries-tu vers moi ? » puisque l’Écriture ne rapporte aucune expression dont se serait servi Moïse, et ne dit point qu’il ait prié ? Ne veut-elle pas nous faire entendre que sa voix restait silencieuse, tandis que son cœur jetait un cri.
LIII. (Ib. 14, 16.) Sur la verge de Moïse.
– « Pour toi lève ta verge et étends ta main vers la mer. » Ici il est dit de cette verge miraculeuse qu’elle appartient à Moïse ; et quand son frère s’en servait pour opérer des miracles, le texte sacré en parlait comme d’une verge qui était à lui.


LIV. (Ib. 15, 12.) Comment Moïse dit-il que la terre a dévoré les Égyptiens ?
– « Vous avez étendu votre droite, et la terre les a dévorés. » Il n’est pas étonnant que la terre soit mise ici pour l’eau. Car toute cette partie du monde, la dernière et la plus basse, est désignée par le mot terre, suivant cette expression tant de fois répétée : Dieu qui a fait le ciel et la terre ; et le psalmiste dans son énumération après avoir appelé à son aide les choses célestes, venant à dire : « Louez le Seigneur, créatures de la terre » ne poursuit-il pas son hymne, en parlant aussi des êtres qui vivent dans les eaux[1] ?
LV. (Ib. 15, ##Rem 10, 8.) Sur l’Esprit-Saint.
– « Vous avez envoyé votre Esprit, et la mer les a engloutis. » C’est déjà pour la cinquième fois qu’il est fait mention de l’Esprit de Dieu, en admettant que ces paroles : « Ceci est le doigt de Dieu[2] » se rapportent à ce divin Esprit. L’Écriture en parle pour la première fois dans ce passage : « L’Esprit de Dieu était porté sur les eaux[3] » la seconde fois, quand il est dit : « Mon Esprit ne demeurera plus dans ces hommes, parce qu’ils sont chair[4] » la troisième fois, lorsque Pharaon dit à Joseph : « L’Esprit de Dieu est en toi[5] » la quatrième fois, quand les enchanteurs Égyptiens s’écrièrent : « Ceci est le doigt de Dieu » la cinquième enfin, dans ce passage du cantique de Moïse : « Vous avez envoyé votre Esprit, et la mer les a submergés. » Mais remarquons à ce sujet que l’Esprit de Dieu intervient non-seulement pour bénir, mais encore pour châtier. Quel autre sens en effet donner à ces paroles que Moïse a dites précédemment « L’eau a été divisée par l’Esprit de votre colère ? » À l’égard des Égyptiens, cet Esprit de Dieu fut donc un Esprit de colère ; car ils trouvèrent leur perte dans la division des eaux ; ils entrèrent dans le lit du fleuve, et quand les eaux reprirent leur cours, ils furent engloutis, par elles. Mais à l’égard des enfants d’Israël, il ne fut pas l’Esprit de la colère de Dieu ; car ceux-ci trouvèrent leur salut dans la division des eaux. On voit donc, par cet exemple, que, suivant la diversité de ses opérations et de ses effets, l’Esprit de Dieu prend des dénominations différentes, quoiqu’il ne soit qu’un seul et même Esprit, qui n’est autre que l’Esprit-Saint dans l’unité de la Trinité. Par conséquent je crois que c’est le même Esprit dont parle l’Apôtre, quand il dit : « Vous n’avez pas reçu de nouveau l’Esprit de servitude, pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu l’esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba, notre Père[6] » car la crainte a été imprimée dans ceux qui n’avaient pas encore l’intelligence de la grâce, par ce même Esprit divin, c’est-à-dire, par le doigt de Dieu, qui a gravé la Loi sur des tables de pierres[7] ; la Loi devait les convaincre de leur infirmité et de leurs péchés, et en même temps, comme une sorte de précepteur, les conduire à la grâce qui se trouve dans la foi en Jésus-Christ[8]. Mais quant à cet Esprit d’adoption et de grâce, je veux dire, cette opération par laquelle l’Esprit de Dieu accorde la grâce et la régénération pour la vie éternelle, il est caractérisé par ces mots : « L’Esprit vivifie » tandis qu’on lit plus haut : « La lettre tue[9] » c’est-à-dire, la lettre qui est écrite et qui contient des prescriptions, mais ne donne pas la grâce.
LVI. (Ib. 15, 23-24.) Sur le nom de Merra.
– « Or, ils vinrent à Merra, et ils ne pouvaient boire des eaux de Merra, parce qu’elles étaient amères. » Si ce lieu prit le nom d’Amertume, parce que son eau était trop amère et qu’on ne put en boire, car Merra veut dire amertume, comment l’Écriture dit-elle que les Israélites vinrent à Merra ? N’est-ce pas parce quelle donne au lieu où ils vinrent, le nom qu’il avait déjà reçu quand écrivait l’auteur inspiré ? Le récit sacré, en effet, est évidemment postérieur aux faits qu’il rapporte.

  1. Ps. 148, 7
  2. Exo. 8, 19
  3. Gen. 1, 2
  4. Id. 6, 3
  5. Id. 41, 38
  6. Rom. 8, 15
  7. Exo. 31, 18
  8. Gal. 2, 22-26
  9. 2 Cor. 3, 6