Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/434

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LVII. (Ib. 15, 25.) Sur le bois qui adoucit les eaux de Merra.
– « Le Seigneur lui montra un bois, qu’il jeta dans l’eau, et l’eau devint « douce. » La vertu de ce bois était-elle naturelle ? Ou bien, Dieu, qui faisait tant de prodiges, pouvait-il avec un bois quelconque opérer ce changement ? Ces expressions « il lui montra » semblent, plus favorables à la première hypothèse ; elles donnent lieu de penser que ce bois était doué de la propriété d’adoucir l’eau : mais peut-être aussi cet endroit était-il absolument dépourvu de bois ; en sorte que le Seigneur montra à Moïse un bois dans un lieu qui n’en possédait point. Il faudrait voir alors jusque dans ce fait l’intervention du secours divin ; et l’adoucissement des eaux par la vertu du bois serait une figure prophétique de la gloire et de la grâce de la croix : mais quand même ce bois aurait possédé naturellement cette vertu, qui faudrait-il en louer, si ce n’est Celui qui.l'acréé et qui l’a montré à son serviteur ?


LVIII. (Ib. 16, 4.) Sur la tentation de la part de Dieu.
– « Alors le Seigneur dit à Moïse : Voilà que je vous ferai pleuvoir des pains du ciel ; et le peuple ira en amasser ce qui suffira pour chaque jour, afin que je tente s’il marche, ou « non, dans la loi. » Cette tentation est une épreuve, et non un entraînement au péché ; et si Dieu éprouve, ce n’est pas pour apprendre ce qu’il ignorait, mais afin que les hommes se connaissant mieux et devenus plus humbles, implorent le secours de Dieu et ne méconnaissent pas sa grâce.
LIX. (Ib. 16, 8.) Sur ces mots : Que sommes-nous?
– Entre autres paroles, Moïse et Aaron adressent celles-ci au peuple : « Parce que le Seigneur a entendu le murmure que vous faites éclater contre lui. Pour nous, qu’est-ce que nous sommes ? Car ce n’est pas contre nous ; mais contre Dieu, que s’élève votre murmure. » Chargés d’une mission divine, ils ne veulent pas pour cela se croire autant que Dieu ; car ils disent : « Que sommes-nous ? » afin de leur faire comprendre que leurs murmures attaquaient celui qui les avait envoyés et qui se servait d’eux comme d’instruments pour ses prodiges. Ce n’est pas dans le même sens que Pierre dit à Ananie « Comment as-tu osé mentir à l’Esprit-Saint ? Ce n’est pas aux hommes que tu as menti, mais à Dieu[1]. » Car il ne dit pas : Comment as-tu osé me mentir ? Ce n’est pas à moi que tu as menti mais à Dieu : s’il avait tenu ce langage, il aurait parlé comme Moïse et Aaron. Il n’a pas dit non plus : Comment as-tu osé mentir à l’Esprit-Saint ? ce n’est pas à l’Esprit-Saint que, tu as menti, mais à Dieu : un tel langage eût été la négation de la divinité du Saint-Esprit. Mais après avoir dit « Comment as-tu osé mentir à l’Esprit-Saint ? » sachant qu’Ananie croyait avoir menti à des hommes, Pierre ajouta pour montrer la divinité du Saint-Esprit : « Ce n’est pas aux hommes que tu as menti ; mais à Dieu. »
LX. (Ib. 16, 12.) Ce qui est signifié par les chairs et les pains que Dieu envoie à son peuple.
– Dieu fait dire à son peuple par l’intermédiaire de Moïse : « Ce soir vous mangerez de la chair, et le matin, vous serez rassasié de pains. » Les pains ne sont pas marqués ici pour désigner toute espèce d’aliments : car ces termes comprendraient également la chair qui sert d’alimentation. Les pains dont il vient d’être fait mention ne sont pas non plus ceux qu’on pétrit avec le froment et auxquels on donne communément le nom de pains ; mais c’est la manne qui est ainsi appelée. Or, ce n’est pas sans raison que Dieu promet de donner de la chair, le soir, des pains le matin. Car ce qui arriva à Élie, quand un corbeau lui apportait sa nourriture[2] a une signification semblable. La chair que Dieu envoyait le soir, et le pain qu’il envoyait le matin, ne sont-ils pas une figure de celui qui s’est livré pour nos péchés, et qui est ressuscité pour notre justification[3] ? Car, le soir, il est mort dans sa faiblesse et il a été enseveli ; et le matin étant ressuscité par sa propre vertu, il est apparu à ses disciples.
LXI. (Ib. 16, 33.) La mesure de manne planée devant Dieu.
– « Moïse dit à Aaron : Prends un vase d’or, mets dans ce vase, plein un gomor de manne, et tu le placeras devant Dieu, afin qu’elle se conserve pour les races à venir, selon que Dieu l’a ordonné. » On peut demander comment Aaron put placer devant Dieu le vase rempli de manne, puisqu’il n’y avait point d’image en l’honneur de la divinité, et quelle arche d’alliance n’était pas encore construite. Le futur, « tu placeras » n’est-il pas mis pour donner à entendre que le vase pourrait être placé devant Dieu, quand l’arche existerait ? Ou plutôt, ces expressions : « devant Dieu » ne marquent-elles pas

  1. Act. 5, 3, 4
  2. 1 R. 17, 6
  3. Rom. 4, 25