Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/520

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fit sortir l’eau du rocher, pourraient trouver une excuse, si nous ne savions clairement par Dieu lui-même, qu’elles étaient l’expression d’un doute. En effet, voici ces paroles : « Écoutez-moi, incrédules : Ferons-nous sortir pour vous de l’eau de cette pierre ? » Et ensuite : « Moïse, ayant levé la main, frappa deux fois la pierre avec la verge, et il en sortit une eau abondante, et le peuple en but ainsi que leurs troupeaux[1]. » C’est pour cela, sans aucun doute, qu’il rassembla le peuple ; c’est pour cela qu’il prit la verge, instrument de tant de miracles entre ses mains ; il en frappa la pierre, et l’effet miraculeux fut produit comme à l’ordinaire. Ces mots, dans la bouche de Moïse : « Ferons-nous sortir pour vous de l’eau de la pierre ? » pourraient donc s’interpréter en ce sens : Vous ne croyez point qu’il soit possible de tirer de l’eau de cette pierre ; eh bien ! en frappant le rocher, je vais vous montrer que ce que votre incrédulité regarde comme impossible, peut se faire par la puissance divine. Ne venait-il pas de leur dire : « Ecoutez-moi, incrédules ? » Tel est effectivement le sens qu’on pourrait donner aux paroles de Moïse, si Dieu, qui voit au fond du cœur, ne nous avait révélé dans quel esprit elles furent prononcées. Mais l’Écriture ajoute : « En même temps le Seigneur dit à Moïse et à Aaron : Parce que vous n’avez pas cru en moi et ne m’avez pas glorifié en présence des enfants d’Israël, pour cette raison vous n’introduirez point ce peuple dans la terre que je leur ai donnée[2]. » On comprend dès lors le sentiment qui inspira les paroles de Moïse : il frappa le rocher, mais avec une certaine défiance ; l’effet miraculeux venait-il à manquer ? on devait croire que le prophète l’avait annoncé, quand il disait : « Ferons-nous sortir de l’eau de cette pierre ? » et cette faute serait demeurée dans le secret de son âme, si Dieu n’eût porté contre elle un arrêt de condamnation. Ici ; au contraire, nous devons croire que Moïse ne douta point de l’accomplissement de la promesse divine, mais qu’il demanda seulement la manière dont elle s’accomplirait : Dieu, en effet, ne le punit point en cette circonstance, mais il lui fit plutôt une réponse instructive.
XX. (Ib. 12, 1.) La femme de Moïse, que l’Écriture qualifie d’Ethiopienne, est-elle la fille de Jéthro? – On demande ordinairement si cette Éthiopienne, femme de Moise, est la fille de Jothor ; ou bien s’il épousa une autre femme, ou s’il eut en même temps deux femmes ? L’opinion la plus probable est que cette Éthiopienne est la fille de Jothor : car elle était de la race des Madianites, que les Paralipomènes appellent Éthiopiens dans le récit des batailles de Josaphat contre cette nation[3]. Il y est rapporté, en effet, que le peuple d’Israël les poursuivit dans les contrées habitées alors par les Madianites, aujourd’hui par les Sarrasins. Mais, de nos jours, c’est à peine si on leur donne encore le nom d’Ethiopiens, en raison des transformations diverses que le temps fait subir aux noms des pays et des nations.
XXI. (Ib. 13, 18-26.) Des espions envoyés dans le pays de Chanaan. – « Et il leur dit : Montez de ce désert, et vous monterez sur la montagne, et vous verrez quelle est cette terre, et quel est le peuple qui y est établi : s’il est fort ou faible, s’il y a peu ou beaucoup d’habitants. » On comprend que ces mots : « s’il y a peu ou beaucoup d’habitants » expliquent la signification de ces autres paroles : « si ce peuple est fort ou faible. » Comment en effet des espions pouvaient-ils se rendre compte de la force de ce peuple, en se tenant sur le haut de la montagne ? On peut encore admettre un autre sens, beaucoup plus en rapport avec la vérité : « Vous monterez sur la montagne » désigne le pays même qu’ils devaient explorer. On ne comprend guère en effet des espions qui se contenteraient de considérer tout comme en passant. Si nous pensons qu’ils ont considéré et exploré le pays du haut de la montagne, comment ont-ils pu se livrer à cette étude minutieuse et attentive commandée par Moïse ? Comment ont-ils pu entrer dans ces villes où l’Écriture nous dit qu’ils ont pénétré Comment encore – ont-ils pu emporter une branche de vigne de cette vallée, qui fut dans la suite, en souvenir de cet évènement, surnommée la vallée du Raisin [4] ? L’exploration du pays se fit donc sur une montagne, parce qu’en effet le pays formait un plateau élevé, et il y avait là un Terrain légèrement incliné, une vallée d’où les espions rapportèrent une branche de vigne.
XXII. (Ib. 13, 33.) Peur des espions. — « Et ils rapportèrent la peur du pays qu’ils avaient exploré. » Il n’est pas question ici de la peur qu’éprouvait ce pays, mais de l’épouvante qu’en avaient conçue les espions.
XXIII. (Ib. 14, 9.) Discours de Caleb et de Josué, pour rassurer

  1. Nom. 20, 10-11
  2. Id. 12.
  3. 2Ch. 24, 9-14
  4. Nom. 13, 23-24