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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/570

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parler seulement du corps, doit se prendre dans le sens de ces paroles de Dieu à l’homme : « Jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, dont tu es sorti[1]. » Mais si l’appliquant à l’âme, nous voulons adopter le sens de ces paroles de l’Ecclésiaste : « L’esprit retournera à Dieu qui l’avait donné[2] » j’estime qu’elle ne convient pas à tous indistinctement, mais à ceux qui ont vécu de manière à mériter de retourner à Dieu, comme à leur Créateur et à l’auteur de leur existence. Elle ne saurait convenablement s’appliquer à ces hommes dont il est dit, qu’ils ne sont qu’un « souffle qui passe et ne revient point[3]. » Si Josué, fils de Navé, ce saint personnage, n’avait pas ajouté : « que suivent tous ceux qui sont sur la terre » il n’y aurait pas matière à discussion ; car nous ne pouvons admettre, à son sujet, aucune supposition qui ne soit digne de lui ; mais, comme il a complété ainsi sa phrase, je m’étonne que le traducteur latin n’ait pas mis « je parcours » ou « je descends » au lieu de « je retourne par le chemin » si le grec « ἀποτρέχω », est susceptible de ce sens. En effet, tous les hommes parcourent ou descendent ce chemin de la vie, quand ils approchent du terme. Mais comme nous trouvons le même mot, quand les parents de Rébecca disent au serviteur d’Abraham « Voici Rébecca : prends-la et retourne, afin qu’elle soit la femme de ton maître[4] ; » il faut lui donner ici la même signification.
XXV. (Ib. 24, 3.) Toute la terre a été promise à Jésus-Christ et à l’Église. – Là où la version des Septante porte : « J’ai tiré Abraham, votre père, d’au-delà du fleuve, et je l’ai conduit dans toute la terre » la version faite sur l’hébreu contient cette variante : « et je l’ai conduit dans la terre de Chanaan. » Il serait étonnant que par ces mots « toute la terre » les Septante eussent voulu désigner le pays de Chanaan ; peut-être dans un esprit prophétique ont-ils donné, comme un fait accompli, la réalisation infaillible de la promesse de Dieu en Jésus-Christ et dans son Église, qui est la véritable postérité d’Abraham ; et ainsi ces paroles se rapporteraient aux enfants de la promesse, et non aux enfants de la chair.
XXVI. (Ib. 24, 11.) En se retranchant derrière leurs remparts, les habitants de Jéricho firent réellement la guerre aux Israélites. – « Ceux qui habitent Jéricho firent la guerre contre vous. » On peut demander comment la vérité s’accommode de ces paroles, puisque les habitants de Jéricho se contentèrent de fermer leurs portes et de se retrancher derrière leurs murailles. Mais il n’y a rien que de vrai dans ces paroles : car fermer les portes à l’ennemi, est un acte d’hostilité. Ils ne députèrent, en effet, personne pour demander la paix. Si l’Écriture avait dit : ils ont livré bataille contre vous, elle aurait avancé une erreur. Mais la guerre ne se compose pas de combats incessants ; tantôt les engagements sont fréquents, tantôt rares ; tantôt même il n’y en a pas du tout. La guerre a lieu, quand il existe d’une manière quelconque un différend à main armée.
XXVII. (Ib. 24, 12.) Des guêpes envoyées par Dieu contre les ennemis d’Israël. – Que veut dire Josué, quand, rappelant aux Israélites les merveilles accomplies par Dieu en leur faveur, il dit entre autres choses : « Il a envoyé devant vous des guêpes, et il les a chassées devant vous ? » Nous lisons la même chose dans le livre de la Sagesse[5], et cependant nulle part on ne trouve le récit de cet événement. Peut-être Josué a-t-il voulu par là désigner métaphoriquement les traits acérés de la peur, que la rumeur leur apportait sur ses ailes, et qui les mettaient en fuite ; ou bien ces esprits invisibles de l’air, que le Psalmiste appelle les mauvais anges[6]. On peut dire encore que l’Écriture n’a pas consigné tout ce qui s’est fait, et admettre que Dieu a envoyé de véritables guêpes.
XXVIII. (Ib. 24, 19.)Les Israélites présumèrent d’eux-mêmes plutôt que de la miséricorde de Dieu. – Que signifient ces paroles de Josué au peuple : « Vous ne pouvez servir le Seigneur, parce que c’est un Dieu saint ? » Veut-il dire que la fragilité humaine ne peut monter, pour ainsi parler, au niveau de la Sainteté divine par une fidélité irréprochable ? Après avoir entendu Dieu, les Israélites auraient dû non-seulement choisir son service, mais encore mettre toute leur confiance dans son secours et sa miséricorde : il était bien pénétré du besoin de cette miséricorde, celui qui s’exprime ainsi dans les psaumes : « N’entrez pas en jugement avec votre serviteur, parce « que nul être vivant ne sera trouvé juste en votre présence[7]. » Mais les Israélites aimèrent mieux présumer d’eux-mêmes et croire qu’ils pouvaient demeurer irréprochables dans le service de Dieu ; ils commencèrent dès lors à vérifier cette parole de l’Apôtre qui les peint : « Ne connaissant point la justice de Dieu, et s’efforçant

  1. Gen. 3, 19
  2. Ecc. 12, 7
  3. Psa. 77, 39
  4. Gen. 24, 51
  5. Sag. 12, 8
  6. Psa. 77, 49
  7. Id. 42, 2