et ces couteaux furent ensevelis avec lui dans son tombeau, comme un symbole mystérieux des biens réservés à la postérité. Ce qui est dit de cette pierre visible, placée sous un arbre par Josué, doit donc s’entendre dans le sens spirituel, et c’est ainsi qu’il témoignera à l’avenir contre ces Juifs infidèles, c’est-à-dire, menteurs, dont parle le Psalmiste : « Les ennemis de Dieu lui ont rendu un culte menteur[1]. » – Quoique Moïse, le serviteur de Dieu, ou plutôt Dieu lui-même par son intermédiaire, eût déjà donné au peuple l’Alliance qui était placée dans l’arche, appelée pour cette raison l’Arche d’Alliance, et dans les livres de la Loi, si pleins de mystères et de prescriptions ; cependant ce n’est pas sans raison que nous lisons dans ce passage : « Josué fit alliance avec le peuple en ce jour-là. » Cette nouvelle alliance symbolise, en effet, le nouveau Testament ; nous trouvons le même symbole dans le Deutéronome, qui veut dire Seconde Loi, et dans les secondes tables qui remplacèrent les premières[2]. Ainsi nous voyons figuré par plusieurs types ce qui n’a été accompli que d’une seule manière. Quant au térébinthe, sous lequel fut placée la pierre, il signifie la même chose que la verge appliquée au rocher, pour en faire sortir de l’eau : ici en effet, nous retrouvons encore le bois avec la pierre. Or, la pierre a été placée dessous, parce que Notre-Seigneur n’aurait pas été élevé sur la Croix, s’il ne s’était soumis et abaissé ; ou parce que le mystère était encore voilé, quand Josué accomplissait cette œuvre symbolique. Enfin le térébinthe, cet arbre que désignent ici les Septante, quoique, selon d’autres interprètes, ce fût un chêne, distille des larmes médicinales.
2. Ce n’est point par malice, mais par, faiblesse, que les Israélites n’observèrent point strictement le commandement au Seigneur. – Il est étonnant, sans doute, que Josué, cet homme de Dieu, n’ait pas, du moins dans les dernières paroles qu’il adressa au peuple, fait un reproche aux Israélites d’avoir épargné les nations, condamnées par Dieu à l’anathème et à l’extermination. Voici en effet ce qui est écrit : « Lorsque les enfants d’Israël se furent fortifiés, ils soumirent ces Chananéens à leur obéissance, mais ils ne les exterminèrent pas entièrement[3]. » L’Écriture, il est vrai, atteste qu’ils en furent incapables d’abord ; mais dans la suite, quand ils purent se les rendre tributaires, ils désobéirent certainement au Seigneur en ne les exterminant pas : faute dont Josué ne se rendit jamais coupable, tant qu’il fut à la tête de l’armée. Pourquoi donc dans le dernier discours qu’il leur adressa omit-il de leur en faire un reproche ? Comme l’Écriture dit qu’ils n’en étaient point capables auparavant, c’est-à-dire, tant qu’ils ne furent pas en force, ne doit-on pas croire qu’ils craignirent, même après s’être fortifiés, de soulever contre eux, par une rigueur intempestive, et de pousser au désespoir, des nations disposées à se soumettre, et dont ils n’auraient pu triompher ? Le Seigneur ne voulut donc point leur faire un crime de cette crainte humaine dans laquelle se trahit un certain manque de foi ; si cette foi avait été plus forte, la guerre aurait eu alors les mêmes conséquences qu’au temps où Josué commandait. Mais, comme elle ne fut pas aussi grande, même après qu’ils furent devenus supérieurs en force à l’ennemi, ils n’osèrent, gagnés par la peur, entreprendre contre eux une guerre d’extermination. Cette peur inspirée, non par la méchanceté, ni par l’orgueil ou le mépris du commandement divin, mais par une faiblesse de volonté, Dieu, ainsi que je l’ai dit, ne voulut pas la leur imputer, lorsqu’il leur donna d’entendre Josué pour la dernière fois. L’Apôtre s’est inspiré de la conduite de Dieu, quand il a dit : « Alexandre, l’ouvrier en cuivre, m’a fait beaucoup de mal : le Seigneur lui rendra selon ses œuvres[4]. » Puis, venant à ceux qui l’avaient abandonné dans le péril, non par malice mais par crainte : « La première fois, dit-il, que j’ai défendu ma cause, nul ne m’a assisté, mais tous m’ont abandonné : que cela ne leur soit point imputé[5]. »
Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/572
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée