l’impiété qui déborde en lui, refroidit et endurcit les cœurs qui n’ont plus la ferveur de la charité ? Et qui l’a bien connu, si ce n’est Celui qui a dit aux adversaires obstinés de son Évangile : « Vous avez le démon pour père [1] ? »
30. « Et qui produit dans l’air la gelée ? Elle descend comme les eaux d’un fleuve. » Il faut prendre le mot gelée dans le dernier sens que nous avons donné à la glace. C’est avec raison qu’il est dit : « dans l’air », car ces paroles s’appliquent aux coryphées de l’impiété, qui imitent les prédicateurs de la vérité et se transforment en ministres de la justice[2]. Voilà pourquoi il dit ensuite : « Qui descend comme les eaux d’un fleuve. Ou qui a fait sécher le visage de l’impie ? » l’a couvert de confusion ; quel est-il, si ce n’est Celui qui a glorifié ceux qu’il a justifiés[3] ?
31. « Est-ce toi qui as su distinguer les liens des Pleïades, ouvrir le cercle des étoiles de l’Orion ;
32. « Faire lever Mazuroth au temps fixé, et amener l’étoile du soir au lieu qui lui fut préparé ? » Pour comprendre ce passage, faut-il étudier, dans l’astronomie, les propriétés de toutes ces étoiles ? Je serais étonné que cela fût nécessaire : ce serait d’ailleurs un long travail, nous ne nous y arrêterons pas. Ne doit-on pas plutôt, sous le nom de quelques étoiles, comprendre tous les astres, en prenant la partie pour le tout ? Je suppose que Mazuroth est une étoile, car il n’y a point de mot en grec qui lui corresponde ; on voit assez que c’est une expression hébraïque. Dans le passage suivant : « Je t’ai engendré avant Lucifer[4] », la partie est également prise pour le tout. Lucifer n’a pas été la première de toutes les créatures, et avant Lucifer ne signifie pas avant toute créature. Mais Lucifer désigne ici tous les astres ; c’est, je le répète, la partie pour le tout, et par tous les astres, il faut entendre tous les temps ; car c’est des astres qu’il est dit : « Ils serviront de signes pour marquer les temps[5]. » Par conséquent le Seigneur est né avant tous les temps, et non dans le temps ; ainsi est-il coéternel au Père. Nommer seulement les Pléïades, l’Orion, Mazuroth et l’étoile du soir, c’est donc citer tous les astres par le nom de quelques-uns. Puisqu’ailleurs avec Lucifer on les désigne tous, à plus forte raison pouvons-nous le faire ici, où tant d’étoiles sont nommées. Mais pourquoi est-il dit des unes : « distinguer les liens », des autres « ouvrir, disperser ; » de celle-ci : « faire lever au temps fixé ; » de celle-là : « amener au lieu qui lui fut préparé ? » Ces expressions sont-elles exclusivement propres aux astres qu’elles distinguent ? Ne pourrait-on pas dire : As-tu, avant le cercle des Pléïades, distingué les liens des étoiles de l’Orlon ? On peut quelquefois changer les mots de deux phrases ; par exemple dans ce passage des Psaumes : « Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur les tournera en dérision », la pensée resterait absolument la même si l’on disait : Celui qui habite dans les cieux les tournera en dérision, le Seigneur se rira d’eux ; car le Seigneur est le même que celui qui habite dans les cieux. Par une raison semblable le nom des Pléïades a ici la même signification que celui de l’Orlon, parce que l’un et l’autre désignent tous les astres, et les étoiles que nous venons de nommer nous représentent dans les mêmes rapports les fidèles de l’Église dont la conversation est dans le ciel[6]. Leurs liens consistent à s’attacher les uns aux autres et à Dieu, pour ne point tomber. Or la charité ne tombe jamais[7]. Qui la connaîtrait, si elle n’avait été enseignée par Celui qui a dit : « Je vous donne un commandement nouveau, c’est que vous vous aimiez les uns les autres[8] ; » et encore : « Celui qui m’a aimé est, aimé de mon Père[9] ? » Le cercle qui les enferme est celui des divines Écritures, d’où ils ne sortent point. Qui a pu l’ouvrir si ce n’est celui qui fait tomber le voile quand on s’attache à lui ? Le temps arrivera d’ouvrir ces livres, c’est-à-dire de manifester la vérité, lorsque le Seigneur viendra éclairer les secrets des ténèbres, découvrir les pensées les plus intimes du cœur. Alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui est due[10]. Lui seul accomplira ces mystères en son temps : lorsqu’il apparaîtra, lui qui est notre vie, nous apparaîtrons aussi avec lui dans la gloire[11]. Il les conduira au lieu qui leur fut préparé, quand il les mettra en possession de la demeure bâtie par leurs mérites. « Celui qui aura bâti sur ce fondement des œuvres qui subsistent, en aura la récompense[12]. »
33. « Connais-tu les changements du ciel ? » Faut-il prendre ce passage en mauvaise part, et l’appliquer à ceux qui ont connu Dieu, et ne l’ont point glorifié comme Dieu ? Ils n’ont point voulu
Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/642
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée