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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/137

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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME 70

PREMIÈRE PARTIE DU PSAUME.

LA GRÂCE PAR LE CHRIST.

Le chrétien doit savoir qu’il n’est rien que par Dieu. Saint Paul, tout pécheur qu’il était, fut justifié par la divine miséricorde ; tel est le don qui nous délivre il est gratuit, puisque nous ne méritons que le châtiment. Les fils de Jonadab obéirent aux prescriptions de leur père et Dieu les bénit. Jérémie se sert de leur exemple pour encourager le peuple à subir la captivité. D’ailleurs nous devons servir un maître comme nous servirions le Christ, et nous sommes captifs sous la loi du péché, depuis Adam qui fut le premier et en qui nous mourons tous, mais nous vivrons en Jésus-Christ par la foi. Le Seigneur nous délivre donc par sa justice, et cette justice deviendra la nôtre en demeurant en nous, sans que néanmoins elle nous soit propre. Mais ne nous élevons pas comme le pharisien au-dessus de celui qui ne l’a point reçue encore, et qui pourra nous surpasser, comme Paul en surpassa tant d’autres. C’est la miséricorde de Dieu qui nous abrite contre sa colère. Cet homme qui demande la délivrance, c’est l’Église qui demandera Ta patience à ce même Dieu, son protecteur dès sa jeunesse, qui chantera Dieu ici-bas et dans le ciel, qui parait un prodige dans la voie que le Christ a suivie avant nous, lui que l’on a cru délaissé de Dieu. Honte à ceux qui compromettent notre âme par le découragement ! Dieu les confondra pour leur bien. Ajoutons à sa louange en le remerciant de ses dons invisibles. Renonçons au trafic ou à la gloire que l’on tire de ses bonnes œuvres, et à la lettre de la loi. Comme l’eau de la piscine, le peuple Juif fut troublé à l’avènement du Christ, qui vint s’ajuster à nous pour nous ressusciter, tandis que la loi n’était que le bâton d’Élisée.


1. Dans toutes les saintes Écritures, la grâce de Dieu qui nous délivrer se signale à notre attention afin de nous stimuler davantage. Voilà ce que chante le Prophète, dans le psaume dont nous voulons entretenir votre charité. Le Seigneur m’aidera, afin que j’en conçoive une idée convenable, et que je vous l’explique aussi d’une manière qui vous soit utile. Je suis en effet dominé par la crainte et par l’amour de Dieu ; par la crainte, car il est juste ; par l’amour, car il est miséricordieux. « Qui pourrait en effet lui dire : Que faites-vous[1] », s’il condamnait l’injuste ? Combien est grande sa miséricorde, pour qu’il justifie l’injuste ? De là vient que l’Apôtre, dans ce que vous venez d’entendre, nous prêche la grâce : et cette prédication lui attirait l’inimitié des Juifs, qui s’appuyaient sur la lettre de la loi, qui s’éprenaient de leur propre justice, et la vantaient. C’est d’eux que l’Apôtre a dit : « Je leur rends ce témoignage, qu’ils ont le zèle de Dieu, mais non selon la science ». Et comme si nous lui demandions : Qu’est-ce qu’avoir le zèle de Dieu non point selon la science ? il ajoute aussitôt : « Ne connaissant point la justice de Dieu, et voulant établir la leur, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu[2] ». Ils se glorifient de leurs œuvres, dit-il, et se privent ainsi de la grâce ; et comme s’ils étaient pleins de confiance dans leur fausse santé, ils se dérobent au médecin. C’est contre ces présomptueux que le Seigneur avait dit : « Je ne suis point venu inviter les justes, mais les pécheurs à la pénitence. Ce ne sont point ceux qui se portent bien, mais les malades qui ont besoin du médecin[3] ». Toute la grande science d’un homme est donc de savoir que de lui-même il n’est rien, et que c’est de Dieu et pour Dieu qu’il est tout ce qu’il peut être. « Qu’avez-vous », dit saint Paul, « que vous n’ayez point reçu ; et si vous avez reçu, pourquoi vous glorifier comme si vous n’aviez point reçu[4] ? » Telle est la grâce que nous prêche saint Paul : ce fut ainsi qu’il s’attira l’inimitié des Juifs qui se glorifiaient de la lettre de la loi et de leur propre justice. C’est donc en nous prêchant cette grâce que l’Apôtre, dans le passage qu’on vient de nous lire, nous tient ce langage : « Pour moi, je suis le moindre des Apôtres, indigne même du nom d’apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu[5]. Mais Dieu m’a fait miséricorde », ait-il dit ailleurs, « parce que j’ai agi dans l’ignorance n’ayant point la foi ». Et un peu plus loin : « C’est une vérité certaine, et digne d’être reçue en toute soumission, que Jésus-Christ est venu dans ce monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier.

  1. Sag. 12,12
  2. Rom. 10,2-3
  3. Mt. 9,12-13
  4. 1 Cor. 4,7
  5. Id. 15,9