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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/280

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gardez point le silence », dit ailleurs, en parlant de lui : « Dieu, notre Dieu, viendra dans sa gloire, et ne se taira point[1] ». Il est dit ici : « Ne gardez point le silence ». Car il l’a gardé quand il est venu sans être connu, et pour être jugé ; mais il ne le gardera point quand il viendra dans sa gloire pour juger le monde.
3. « Car voici que vos ennemis s’assembleront en tumulte, et ceux qui vous haïssent ont levé la tête[2] ». Le Prophète me paraît faire ici allusion aux derniers temps, alors que s’échappera librement ce que la crainte retient dans les cœurs, et s’échappera dans une telle confusion que ce sera plutôt un bruit qu’une parole ou un discours. Ce ne sera point alors qu’ils commenceront à haïr, mais après vous avoir haï, ils lèveront la tête. Non point leurs têtes, mais « la tête », parce qu’ils en viendront à n’avoir d’autre chef que celui qui s’élève contre tout ce que l’on appelle Dieu, ce que l’on adore comme Dieu ; en sorte que s’accomplit principalement en lui cette parole : « Quiconque s’élève sera humilié[3] », alors que ce Dieu « qui ne doit ni se taire ni s’adoucir » le tuera du souffle de sa bouche, et le détruira par l’éclat de sa présence[4].
4. « Ils ont formé des desseins méchants », ou, comme portent certains exemplaires, « des complots pleins d’artifice contre votre peuple, et ont conspiré contre vos saints[5] ». Ceci est une ironie ; comment pourrait-on nuire au peuple de Dieu, à sa famille, à des saints qui savent dire : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous[6] ? »
5. « Ils ont dit : Venez, exterminons-les du milieu du peuple[7] ». Le singulier est mis ici pour le pluriel ; comme on dit : À qui est ce bétail, même en parlant d’un troupeau, et l’on comprend par là tous les bestiaux. Dans quelques exemplaires, il y a « des nations », parce que les traducteurs ont plutôt suivi le sens que l’expression. « Venez, exterminons-les du milieu du peuple ». C’est là le son dont parlait le Prophète, et qui est plutôt un bruit confus qu’une parole ; vain bruit, vaines imprécations ! « Et qu’à l’avenir « on ne se rappelle plus le nom d’Israël ». D’autres ont dit plus clairement : « Qu’il ne soit plus fait mention d’Israël à l’avenir ». Car, memoretur nominis, se rappeler du nom, est une locution vicieuse et inusitée ; il est mieux de dire, se rappeler le nom, mais le sens est le même. Celui qui a traduit : Memoretur nominis, a suivi l’expression grecque. « Israël » s’entend ici de toute la race d’Abraham, à qui l’Apôtre a dit : « Vous êtes la postérité d’Abraham, les héritiers selon la promesse[8] ». Ce n’est donc point l’Israélite charnel, dont le même Apôtre a dit : « Voyez Israël selon la chair[9] ».
6. « Ils ont formé une ligue, ils ont fait contre vous un testament[10] », comme s’ils pouvaient l’emporter. Par testament, l’Écriture n’entend pas seulement cet acte qui n’a de valeur qu’à la mort du testateur ; mais elle donne ce nom à toute convention, à tout accord. Laban et Jacob avaient fait un testament[11], et pourtant cette convention ne devait durer que pendant leur vie ; on trouve une infinité de ces expressions dans les pages révélées.
7. Le Prophète marque ensuite les ennemis du Christ sous quelques noms des Gentils ; et le sens de ces noms nous marque assez ce qu’il veut nous faire entendre, car ces noms s’appliquent parfaitement aux ennemis de la vérité. Les Iduméens signifient des hommes sanguinaires ou terrestres ; les Ismaélites obéissent à eux-mêmes, non pas à Dieu, mais à eux. Moab, ou de sou père, ce que nous ne pouvons mieux comprendre qu’en nous rappelant l’histoire de cette fille de Loth, qui usa criminellement de son père, et en conçut un fils, que cette union incestueuse fit appeler Moab[12]. Un père est bon, mais comme la loi, si l’on en use d’une manière légitime, et non d’une manière criminelle et incestueuse[13]. Les Agaréniens signifient les prosélytes, ou les étrangers ; entre les ennemis du peuple de Dieu, ce nom s’appliquerait, non plus à ceux qui en deviennent les citoyens, mais bien à ceux qui conservent chez lui un sentiment étranger et venu d’ailleurs, et qui se montrent dès qu’ils trouvent l’occasion de nuire. Gebal signifie une vallée vaine, une fausse humilité. Ammon, un peuple troublé, un peuple d’affliction. Amalech un peuple qui lèche, de là vient cette expression : « Ses ennemis lécheront la terre[14] ». Les étrangers, bien que ce nom seul indique un peuple

  1. Ps. 49,3
  2. Id. 82,3
  3. Lc. 14,11
  4. 2 Thes. 2,4-8
  5. Ps. 82,4
  6. Rom. 8,31
  7. Ps. 82,5
  8. Gal. 3,29
  9. 1 Cor. 10,18
  10. Ps. 82,6
  11. Gen. 31,44
  12. Gen. 19,36-37
  13. 1 Tim. 1,8
  14. Ps. 71,9