Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/281

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hétérogène et par conséquent ennemi, se disent en hébreu des Philistins, et signifient des hommes qui tombent de boisson, comme ceux qu’enivrent les plaisirs du monde. Tyr s’appelle Sor en hébreu, ce qui signifie angoisse ou tribulation, ce qu’il faut entendre dans le sens dont l’Apôtre a dit des ennemis de Dieu : « Angoisse et tribulation contre tout homme qui fait le mal[1] ». Tous les ennemis sont donc marqués dans ce verset du psaume : « Les Iduméens sous leurs tentes et les Israélites, Moab et les Agaréniens, Gésbol, Ammon et Amalech, et les étrangers et les habitants de Tyr[2] ».
8. Et comme pour nous expliquer ce qui rend ces peuples ennemis du peuple de Dieu, le Prophète ajoute : « Car Assur est venu avec eux[3] ». Or, Assur peut s’entendre au figuré du diable qui agit sur les enfants de la rébellion[4], comme sur ses instruments, afin d’attaquer le peuple de Dieu. « Ils sont venus au secours des enfants de Loth », dit le Prophète, parce que tous ces ennemis, excités par le démon, qui est leur prince, « ont prêté leur secours aux fils de Loth », qui signifie celui qui se détourne. Or, les anges apostats peuvent bien se nommer les fils de celui qui se détourne, puisqu’ils se sont détournés de la vérité pour devenir les satellites du démon. C’est d’eux que l’Apôtre a dit : « Nous avons combattre, non contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances, contre les princes de ce monde ténébreux, contre les esprits de malice répandus dans les airs[5] ». C’est à ces esprits invisibles que viennent en aide les hommes infidèles, dont ils se servent pour combattre lu peuple de Dieu.
9. Voyons maintenant les imprécations du Prophète, qui sont des prédilections plutôt que des malédictions. « Traitez-les », dit-il « comme Madian et Sisara, comme Jabin au torrent de Cison[6]. Ils ont péri à Endor, ils sont devenus comme le fumier de la terre. L’histoire en est témoin, le peuple d’Israël, qui était alors le peuple de Dieu, vainquit et réduisit tous ces peuples[7], et ceux que le Prophète énumère ensuite : « Traitez leurs princes comme Oreb et Zeb, et Zébée et Salmana[8] ». Or, voici l’interprétation de ces noms. Madian signifie, qui décline le jugement ; Sisara, l’exclusion de la joie ; Jabin, Sage. Mais parmi ces ennemis que dompta le peuple de Dieu, ou doit entendre par sage, celui dont l’Apôtre a dit : « Où est le sage, où est le scribe, où est le savant du siècle[9] ? » Oreb, la sécheresse, Zeb, le loup ; Zébée, la victime, mais du loup, car il a aussi ses victimes Salmana, l’ombre de la commotion. Tous ces noms conviennent admirablement aux méchants, que le peuple de Dieu doit vaincre par le bien. Cison est le torrent qui vit leur défaite, et qui désigne leur dureté ; Endor, où ils périrent, est la fontaine de la génération, mais de cette génération charnelle, à laquelle ils s’adonnaient pour leur perte, tandis qu’ils négligeaient la régénération qui conduit à cette vie dans laquelle on ne connaît ni Époux ni Épouse, car on n’est plus assujetti à la mort[10]. C’est donc avec raison que le Psalmiste a dit de ces hommes, qu’« ils sont devenus commue le fumier de la terre », puisqu’ils n’ont pu produire qu’une fécondité terrestre. Ces peuples donc vaincus par le peuple de Dieu, figuraient ces ennemis dont le Prophète invoque la soumission à la vérité.
10. Tous ces princes ont dit : Le sanctuaire « de Dieu deviendra notre héritage[11] ». Vaines clameurs, qu’ils « ont fait retentir vos ennemis », comme l’a dit le Prophète ; mais que faut-il entendre par ce sanctuaire de Dieu, sinon ce même temple, dont l’Apôtre a dit : « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple[12] ? » Que veulent en effet les ennemis de Dieu, sinon assujettir son peuple, le subjuguer, l’assouplir à leurs volontés impies ?
11. Que dit ensuite le Prophète ? « Mon Dieu, faites qu’ils soient comme une roue[13] » ; ce que l’on peut très bien entendre ainsi : qu’ils ne soient point stables dans leurs desseins toutefois, il me semble que ces paroles : « Faites qu’ils soient comme une roue », peuvent avoir ce sens, qu’une roue élève sa partie postérieure, et abaisse sa partie antérieure. Tel est le sort des ennemis du peuple de Dieu. Le Psalmiste ne fait pas un souhait, mais une prophétie. Il ajoute même : « Comme la paille en face du vent ». Il entend par la face, la présence. Quelle face peut avoir le vent, qui n’a aucune trace corporelle, et qui n’est qu’un mouvement, ou une secousse de l’air ? Il

  1. Rom. 2,9
  2. Ps. 82,8
  3. Id. 9
  4. Eph. 2,2
  5. Id. 6,12
  6. Ps. 82,10-11
  7. Jdt. 4,15-16 ss
  8. Ps. 82,12
  9. 1 Cor. 1,20
  10. Lc. 20,35-36
  11. Ps. 82,13
  12. 1 Cor. 3,17
  13. Ps. 82,14