Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/335

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jeunesse. Je n’ai été élevé que pour tomber dans l’humiliation et dans le trouble. Sur moi ont passé vos colères, et vos terreurs m’ont accablé. Elles m’ont environné tout le jour comme l’eau, elles m’ont environné toutes ensemble. La misère dont vous m’avez frappé, a éloigné de moi mes amis et mes proches[1] ». Tout cela est arrivé, tout cela arrive encore aux membres du corps mystique de Jésus-Christ. Dieu a détourné d’eux sa face, en ne les exauçant point dans ce qu’ils désiraient, quand ils ne savaient point ce qui leur était utile. Toute l’Église est pauvre ; elle a faim, et dans son exil elle soupire après ce qui peut la rassasier dans la patrie, Elle est dans les travaux depuis sa jeunesse, car c’est le corps du Christ qui s’écrie dans un autre psaume : « Ils m’ont souvent attaqué dès ma jeunesse[2] ». Et si quelques-uns de ses membres sont élevés dès cette vie, c’est afin qu’ils en deviennent plus humbles. La colère de Dieu a passé aussi dans tout le corps du Christ, c’est-à-dire dans l’unité des saints et des fidèles, qui ont le Christ pour chef, mais elle n’y demeure point. Car ce n’est point du fidèle, mais de l’infidèle, qu’il est dit : « La colère de Dieu demeure sur lui[3] ». Les terreurs de Dieu épouvantent les chrétiens faibles ; car il est sage de craindre ce qui peut arriver, quand même il n’arriverait pas effectivement, Ces terreurs néanmoins troublent quelquefois l’esprit qui voit les maux dont il est menacé, au point que ses maux paraissent l’environner de toutes parts et le cerner comme une inondation. Et commue ces afflictions ne manquent jamais à l’Église exilée en en ce monde, puisqu’ils assiègent tantôt l’un et tantôt l’autre de ses membres ; le Prophète a dit : « Tout le jour », pour désigner une douleur continuelle, et qui durera jusqu’à la fin des siècles, Souvent encore tes amis et les proches, frappés de terreur à la vue de tant de tribulations dont ils sont menacés, abandonnent les saints ; c’est d’eux que saint Paul a dit : « Tous m’ont abandonné, que Dieu ne le leur impute point[4] ». Mais à quoi bon tout cela, sinon pour que la prière de ce saint corps s’élève devant Dieu dès le matin, c’est-à-dire après la nuit de l’infidélité, jusqu’à ce que vienne enfin ce salut dont l’espérance fait que nous sommes déjà sauvés, et que nous en attendions la réalité avec patience[5] ? C’est là que Dieu ne repoussera point notre prière, parce que nous n’aurons rien à demander, mais que nous obtiendrons tout ce qui a été demandé ; là qu’il ne détournera point de nous sa face, puisque nous le verrons tel qu’il est[6] ; là qu’il n’y aura aucune pauvreté, puisque Dieu sera notre abondance, et tout à tous[7] : là qu’il n’y aura plus aucune fatigue, parce qu’il n’y aura point d’infirmité ; là qu’il n’y aura ni trouble, ni abaissement, parce qu’il n’y aura aucune adversité ; là que nous ne subirons plus le passage des colères de Dieu, parce que nous demeurerons affermis dans sa bonté ; là que nulle terreur ne viendra nous troubler, parce que l’accomplissement des promesses nous établira dans la félicité ; là que nul ami, nul de nos proches ne nous délaissera dans sa frayeur, parce que nous n’aurons à craindre aucun ennemi.

  1. Ps. 87,16-19
  2. Id. 128,1
  3. Jn. 3,36
  4. 2 Tim. 4,16
  5. Rom. 8,24-25
  6. Jn. 3,2
  7. 1 Cor. 15,28