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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/354

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DISCOURS SUR LE PSAUME 89

LES FIGURES DE L’ANCIEN TESTAMENT.

Moïse n’est pas l’auteur du psaume, comme le titre semble le dire ; son nom est emprunté pour montrer que sa législation renfermait des figures de ce qu’annonce ici le Psalmiste. Dieu est avant les montagnes ou les anges, avant la terre ou l’homme ; en lui il n’y a que le présent, il est ; et c’est son éternité qui est notre refuge contre la mobilité du temps. Qu’il nous soutienne donc. Pour Dieu mille années ne sont qu’un seul jour, de là cette assertion ridicule que la durée du monde sera de six mille ans à cause des six jours, mais en Dieu il n’y a pas de jours ; Dieu donc demeure, et les biens du temps ne sont rien devant lui. Notre vie d’ailleurs est bornée à soixante-dix années, pour la plupart, à quatre-vingts pour les plus robustes ; or, soixante-dix et quatre-vingts nous donnent cent cinquante, et nous y trouvons quinze nombres sacrés, d’où les quinze cantiques des degrés. Le nombre soixante-dix marquerait alors les promesses de l’Ancien Testament, et quatre-vingts les promesses du Nouveau. Le surplus est fatigue, c’est-à-dire qu’il est dangereux d’aller au-delà des promesses de la foi ; elle Seigneur dans sa mansuétude nous corrige pour nous sauver. Nous épargner, et nous laisser dans une vaine félicité, c’est souvent un effet de sa colère. Qu’il nous fasse connaître son Christ, en nous montrant que les biens terrestres ne sont rien, que les biens éternels seuls sont désirables ; qu’il frappe de la gauche pour nous amener à la droite, que nos pieds soient retenus par la sagesse, et que nous rendions témoignage contre la vanité des biens d’ici-bas. Que Dieu donc se laisse fléchir, qu’il nous éclaire un jour de la lumière de sa foi comme il éclairait le peuple ancien par la prophétie ; qu’il dirige nos œuvres, afin qu’elles soient dignes de lui.


1. « Prière de Moïse, l’homme de Dieu[1] » tel est, mes frères, le titre du psaume ; c’est par cet homme de sa droite, que Dieu donna la foi à son peuple, par ce même homme qu’il l’a délivré de la maison de servitude, pour le conduire pendant quarante ans à travers le désert. Moïse fut donc tout à la fois le ministre de l’Ancien Testament et le Prophète du Nouveau Testament. « Car tout leur arrivait en figure », comme l’a dit l’Apôtre : « et tout cela est écrit pour nous instruire, nous qui nous trouvons à la fin des temps[2] ». Il faut donc envisager ce psaume dans le sens de cette législation de Moïse, qui lui a donné son titre.
2. « Seigneur », dit-il, « vous êtes pour « nous un refuge de génération en génération[3] » : soit dans toute génération, soit dans deux générations, l’antique et la nouvelle ; comme nous l’avons dit en effet, Moïse fut le ministre de l’Ancien Testament, qui appartenait à l’ancienne génération, et le Prophète du Nouveau Testament qui concernait la génération nouvelle. Aussi Jésus-Christ, qui a garanti l’Ancien Testament, qui a contracté l’alliance nouvelle avec la nouvelle génération, et qui en est devenu l’Époux, disait-il : « Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez ci aussi, car c’est de moi qu’il a écrit[4] ». Sans doute, il ne faut point croire que ce psaume ait été écrit par Moïse, puisqu’il n’est écrit dans aucun des livres qui renferment ses cantiques ; mais on a emprunté le nom d’un aussi grand serviteur de Dieu, pour élever jusqu’à Dieu l’attention du lecteur ou de l’auditeur. « Pour nous donc, ô mon Dieu, vous êtes un refuge de génération en génération ».
3. Le Prophète nous montre au verset suivant quel refuge a été pour nous le Seigneur, qui auparavant n’était point pour nous un refuge, bien qu’il existât. « Vous êtes », lui dit le Prophète, « bien avant que soient les montagnes, avant la création de la terre et du monde ; vous êtes de l’éternité à l’éternité[5] » Vous donc qui êtes et avant que nous soyons et avant que le monde soit, vont êtes devenu notre refuge, depuis que nous nous sommes tournés vers vous. Toutefois, je ne crois point que l’on doive entendre d’une manière telle quelle, ce que dit le Prophète : « Avant que se dressent les montagnes, et avant que la terre soit créée », ou blet comme on lit en d’autres exemplaires : « Avant que la terre ait une figure ». Car les montagnes sont les parties les plus élevées de la terre. Et assurément, si Dieu existe avant que la terre soit créée, lui qui est le Créateur, pourquoi parler spécialement des montagnes,

  1. Ps. 89,1
  2. 1 Cor. 10,11
  3. Ps. 89,2
  4. Jn. 5,16
  5. Ps. 89,2