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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/369

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DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 90

LES TENTATIONS.

SUITE DU DISCOURS PRÉCÉDENT.

En Jésus-Christ il y a la tête ou l’homme parfait né de Marie, et le corps ou l’Église, qui commence en Abel pour embrasser dans son unité tous ceux qui croiront au Christ. Le roi de cette Église s’est fait notre voie, afin que nous marchions en lui. C’est pour cela qu’une prophétie passe souvent, sans transition, du Christ à l’Église, de la tête au corps. Résumons ce que nous avons dit hier, et parlons de ce refuge placé bien haut, et que le mal n’atteindra point, c’est-à-dire du Seigneur qui est ressuscité pour ne plus mourir, et afin de nous prêcher la résurrection. Le mal ne t’atteint pas dans son tabernacle ou dans sa chair, puisqu’il a combattu pour nous en cette chair ; une fois ressuscité il n’est plus assujetti à la douleur, ni à la mort. Si donc il voulut être baptisé, s’il jeûna, c’est pour nous qui sommes ses membres. Il pouvait faire ce que lui proposa le démon, changer les pierres en pain, lui qui multiplia les pains au désert, et qui avec des pierres fait des enfants d’Abraham. D’une part donc il nous instruit par la tentation qu’il subit, et d’autre part il réserve à notre fidélité une récompense. Le diable te dira Si tu étais chrétien, Dieu ne te laisserait point si pauvre. – J’ai pour pain la parole de Dieu. – Tu ferais des miracles ; ce fut le piège de Simon. Arrière l’orgueil et l’hypocrisie, le Christ n’y repose point sa tête. Soyons humbles d’abord et souffrons ensuite avec patience. Les Anges portèrent le Seigneur à l’ascension ; il envoya ensuite l’Esprit-Saint qui abrogea la loi gravée sur la pierre, alla que les pieds du Sauveur ou ses Apôtres ne heurtassent contre celte pierre en allant prêcher aux nations. Trois fois le Christ demanda une protestation d’amour au disciple qui l’avait renié par crainte. Le diable est tantôt lion, quand il sévit contre les martyrs ; tantôt dragon, quand il séduit par l’hérésie. Cherchons en Dieu un refuge, et nous marcherons sur l’un et sur l’autre. Et il nous donnera de longs jours, ou la vie éternelle, si nous mettions en lui nos cœurs.


1. Vous vous souvenez, je n’en doute nullement, mes frères, qui assistiez au sermon d’hier, que le temps trop court nous empêcha de terminer le psaume dont nous avions commencé l’explication, et que le reste fut remis pour aujourd’hui. Voilà ce que vous savez, vous qui assistiez hier ; et ce qu’il vous faut apprendre, vous qui n’y assistiez pas. C’est dans ce dessein que nous avons fait lire le passage de l’Évangile qui rapporte la tentation du Sauveur, et les paroles du psaume que vous avez entendues[1]. Le Christ a donc passé par la tentation, afin que le chrétien ne fût point vaincu par le tentateur. Lui, notre maître, a voulu passer par toutes les tentations auxquelles nous sommes assujettis ; comme il a voulu mourir parce que nous sommes tributaires de la mort, et ressusciter, parce que nous devons ressusciter, Car, tout ce qu’a montré dans son humanité celui qui étant ce même Dieu par qui nous avons été faits, est devenu homme à cause de nous, il l’a fait pour nous instruire. Souvent je l’ai dit à votre charité, et je ne rougis point de vous le répéter, afin qu’un si grand nombre d’entre vous, qui ne peuvent lire, ou qui n’en ont pas le loisir, suppléent à leur impuissance en nous écoutant, et n’oublient point la foi qui doit les sauver. Que plusieurs se fatiguent de nos répétitions, pourvu que les autres en soient édifiés. Il en est beaucoup, nous le savons, qui, doués d’une heureuse mémoire, et lecteurs assidus des saintes Écritures, savent ce que nous allons dire, et peut-être exigent-ils de nous ce qu’ils ne savent point encore. En dépit de leur promptitude, ils doivent se souvenir que la marche des autres est plus lente. Quand deux voyageurs marchent ensemble, et que l’un d’eux est plus prompt, l’autre plus lent, c’est le plus prompt qui doit s’accommoder à l’autre, et non le plus lent ; car si le plus léger déployait toute son agilité, l’autre ne saurait le suivre. C’est donc au plus prompt à ralentir sa marche, afin de ne laisser point son compagnon en arrière. Voilà, dis-je, ce que je vous ai répété souvent ; et je vous le répète encore : comme l’a dit saint Paul : « Vous écrire les mêmes choses n’est point pénible pour moi, mais avantageux pour vous[2] ». Or, en Notre-Seigneur, il y a l’homme parfait, la tête et le corps. La tête est cet homme qui est né de la vierge Marie, qui a souffert sous Ponce-Pilate, a été enseveli, est ressuscité, est monté aux cieux pour s’asseoir

  1. Mt. 4,6
  2. Phil. 3,1