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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/370

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à la droite du Père, d’où nous l’attendons comme juge des vivants et des morts : voilà le chef de l’Église[1]. Cette tête a pour corps l’Église, non celle qui est en ces lieux, mais bien celle qui est en ces lieux et dans l’univers entier : non celle qui existe maintenant, mais celle qui commence en Abel pour aller jusqu’à la fin des siècles, et embrasser tous ceux qui croiront au Christ, pour n’en former qu’un seul peuple, appartenant à une seule cité, laquelle cité est le corps du Christ, et dont le Christ est la tête. Là sont les anges, nos concitoyens. Pour nous, qui sommes étrangers, nous sommes dans la souffrance ; et pour eux ils attendent dans la cité bienheureuse notre arrivée. Mais de cette cité d’où nous sommes exilés, des lettres nous sont venues, ce sont les saintes Écritures, qui nous engagent à vivre saintement. Que dis-je, il nous est venu des lettres ? Le roi lui-même est descendu, il s’est fait notre voie dans notre pèlerinage, afin que marchant dans cette voie nous ne puissions nous égarer, ni manquer de force, ni tomber entre les mains des voleurs, ou dans les pièges qui bordent les chemins. Connaissons donc le Christ tel qu’il est tout entier avec l’Église ; lui seul né d’une vierge, chef de l’Église, médiateur entre Dieu et les hommes[2], Jésus-Christ est médiateur pour réconcilier en lui tous ceux qui se sont éloignés ; car il n’y a de médiateur que entre deux. Nous nous étions éloignés de la majesté de Dieu, en l’offensant par nos crimes ; et le Fils a été envoyé, afin d’effacer par son sang nos péchés qui nous séparaient de lui, et de nous rendre à Dieu en s’interposant, et nous réconciliant à son Père, dont nos péchés et nos désordres nous tenaient éloignés. C’est donc lui qui est notre chef, lui Dieu égal au Père, Verbe de Dieu par qui tout a été fait[3] : qui, Dieu a tout créé, homme a tout restauré ; Dieu afin de tout faire, homme afin de refaire. Voilà ce qu’il nous faut considérer en lisant le psaume. Que votre charité soit attentive. C’est un point des plus importants que nous ayons à étudier, non seulement pour comprendre notre psaume, mais pour en comprendre beaucoup d’autres, si vous vous attachez à cette règle. Quelquefois un psaume, et non seulement un psaume, mais une prophétie quelconque parle du Christ seulement comme chef, et quelquefois passe du chef au corps ou à l’Église, sans qu’il paraisse avoir changé de personne ; car la tête ne se sépare point du corps, mais il en est parlé comme d’un seul homme. Que votre charité fasse donc attention à mes paroles. Chacun en effet connaît ce psaume relatif à la passion du Sauveur, et où il est dit : « Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os : ils se sont partagé mes vêtements, et ont jeté le sort sur ma robe[4] ». Voilà ce que les Juifs ne peuvent entendre sans rougir ; et il est de la dernière évidence que c’est là une prophétie de la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Or, Notre-Seigneur Jésus-Christ n’avait point de péchés, et néanmoins il commence le psaume en s’écriant : « O Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? Les cris de mes péchés éloignent de moi tout salut[5] ». Vous le voyez donc, il y a des paroles qui se disent du chef, et d’autres qui se disent du corps. Pécher, voilà ce qui est notre apanage ; mais souffrir pour nous, voilà ce qui appartient à notre chef : or, comme il a souffert pour nous, il a effacé les dettes que nous devions acquitter pour nos péchés. Ainsi en est-il dans notre psaume.
2. Hier déjà nous avons expliqué ces versets : n’en disons qu’un mot aujourd’hui. « Celui qui habite sous l’appui du Tout-Puissant, demeure sous la protection du Dieu du ciel[6] ». À propos de ces versets, nous l’avons dit à votre charité, ne mettons point notre confiance en nous-mêmes, mais bien en celui qui est pour nous toute la force, La victoire nous vient en effet de son secours, et non de notre présomption. Le Dieu du ciel nous protégera donc si nous lui disons ce qui suit : « Il dira au Seigneur : Vous êtes mon appui, mon refuge et mon Dieu ; en lui je veux espérer. Car c’est lui qui me délivrera des pièges des chasseurs, et de la parole amère[7] ». Nous avons dit que la crainte des paroles amères en fait tomber un grand nombre dans le filet des chasseurs. On insulte un homme parce qu’il est chrétien ; et il se repent de s’être fait chrétien, et la parole amère le fait tomber dans le piège du diable, en sorte qu’il ne demeure point comme le froment dans la grange, mais qu’il s’envole avec la paille. Quant à celui qui espère en Dieu, il échappe au piège des chasseurs et à la parole amère. Mais quelle est

  1. Eph. 5,23
  2. 1 Tim. 2,5
  3. Jn. 1,3
  4. Ps. 21,17-19
  5. Id. 2
  6. Id. 90,1
  7. Id. 23