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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/513

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Le dernier verset ressemble au premier : une bénédiction commence et une bénédiction finit ; nous avons commencé par bénir Dieu, terminons en le bénissant, afin que nous puissions régner dans les bénédictions.


PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME 103[1]

PREMIÈRE PARTIE DU PSAUME.

LE MONDE INVISIBLE DANS LE MONDE VISIBLE.

Les œuvres visibles du Seigneur ont un sens que nous devons chercher dons ce psaume. « Vous êtes infiniment grandi par moi ». Cette parole doit s’entendre comme cette autre : Que votre nom soit sanctifié ; ce nom toujours saint est sanctifié quand les hommes deviennent assez droits pour que Dieu leur plaise. Alors le nom du Seigneur est grandi quand nous le connaissons assez pour comprendre cette grandeur, et cette connaissance nous grandit à notre tour. Dieu s’est revêtu de confession et de beauté, parce que l’Église, non pins que l’âme, ne peut s’approcher de Dieu, qu’en avouant une laideur qui vient à l’une du péché, à l’autre de l’idolâtrie. Toutefois le Christ ; en mourant pour les impies, nous aimait malgré notre laideur ; il s’abaissait pour nous, et n’avait ni éclat ni beauté, afin de nous en donner, Il a fait les cieux, comme on déploie une peau, et cette peau signifie la mortalité, car elle fut donnée aux premiers coupables, devenus mortels par le péché. C’est encore l’Évangile prêché par des hommes mortels et qui couvre la terre. La hauteur des cieux que Dieu couvre d’eau, c’est la sainte Écriture, et au-delà cette charité qu’il répand dans nos cœurs, et qui est bien supérieure à tous les autres dons. Les nuées sont une échelle pour lui, c’est-à-dire que par les prédicateurs il conduit au ciel des Écritures ceux qui écoutent avec docilité ; malheur à ceux qui ne montent pas, et qui sont ou branches stériles, ou produisant des épines. Il est porté sur les ailes des vents ou des âmes qui sont un souffle de vie, et dont les ailes sont des vertus, La charité en Dieu ou la croix, a sa largeur dans les bonnes œuvres, sa longueur dans la persévérance finale, sa hauteur dans l’espérance des biens de l’autre vie, sa profondeur dans les sacrements. Les esprits deviennent ses anges, quand ils portent ses messages : quelquefois il se sert du feu, comme il se sert de l’homme spirituel pour la prédication. L’Église est solidement fondée sur le Christ. Écoutons la parole de Dieu de manière à porter pour fruit principal le pardon des offenses.


1. Avant-hier, autant que vous daignez vous en souvenir, nous vous avons largement rassasiés. Mais comme après un long discours, vous ne laissiez pas de témoigner une grande avidité, nous n’avons pas voulu aujourd’hui refuser l’acquittement de notre dette, afin de joindre à cet acquittement le gain que nous espérons en tirer. Le psaume qu’on vient de lire est plein de figures et de mystères, et demande non seulement de notre part, mais aussi de la vôtre, une attention soutenue. À la rigueur, cependant, on pourrait donner à ce qu’il contient un sens littéral et religieux à la fois. On y retrouve en effet, sinon toutes les merveilles du Seigneur, du moins ces œuvres connues de tous ceux qui les voient, et qui, dans ces merveilles qu’il a faites, merveilles visibles, savent lire ses merveilles invisibles[2]. Nous y voyons un grand ouvrage, la création du ciel et de la terre, et de tout ce qu’ils renferment ; et la grandeur et la beauté de cette création nous font sinon voir l’ineffable grandeur, l’ineffable beauté du Créateur, du moins l’aimer. Ce divin ouvrier, que notre cœur n’est pas encore assez pur pour contempler, ne cesse de remettre ses œuvres devant nos yeux, et par ces merveilles que nous pouvons découvrir, de stimuler notre amour envers celui que nous ne pouvons voir, afin que nous méritions de le voir un jour. Toutefois, dans tout ce que nous lisons, il faut chercher un sens spirituel, et avec le secours de Jésus-Christ, vos désirs m’aideront à sonder ces mystères, et seront comme autant de mains invisibles, frappant à la porte invisible aussi, afin qu’elle s’ouvre invisiblement, que vous y entriez invisiblement, et que vous soyez invisiblement guéris.
2. Disons donc tous : « Bénis le Seigneur, ô mon âme[3] ». Adressons-nous tous à notre âme, car nous tous, nous n’avons par la foi

  1. Prêché à Carthage dans la vieillesse de saint Augustin
  2. Rom. 1,20
  3. Ps. 103,1