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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/514

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qu’une seule âme, de même que nous tous, qui croyons en Jésus-Christ, ne formons, par notre union corporelle avec lui, qu’un seul et même homme. Que notre âme bénisse donc le Seigneur pour tant de bienfaits, pour les dons si grands et si nombreux de ses grâces. Nous retrouvons ces dons dans le psaume, avec un peu d’attention, en secouant le nuage des pensées charnelles, en élevant notre esprit autant qu’il nous est possible, en stimulant son attention autant que nous pourrons, en purifiant l’œil de notre cœur autant qu’il est en nous, autant que le permettent les occupations de cette vie, autant que nous ne sommes point aveuglés par les plaisirs du siècle. Élevons-nous donc pour entendre les dons si grands, si admirables, si désirables, si pleins d’allégresse et de joies saintes, que voyait en esprit celui qui a chanté notre psaume, quand il exhalait son allégresse, en s’écriant : « Bénis le Seigneur, ô mon âme ».
3. « Seigneur, mon Dieu, votre grandeur a e été trop relevée ». Voyez quelles magnificences va chanter le Prophète, et néanmoins dans ces magnificences, il ne faut bénir que l’auteur de ces grandes œuvres. « Vous vous êtes revêtu de gloire et de beauté ». O Seigneur mon Dieu, dont la grandeur est infinie, d’où vient qu’on chante cette grandeur ? N’êtes-vous point toujours grand ? toujours magnifique ? N’êtes-vous point parfait, et pouvez-vous croître encore ? Y a-t-il chez vous déchéance ou diminution ? Mais vous êtes ce que vous êtes, et vous êtes véritablement, c’est vous qui vous êtes ainsi nommé à Moïse votre serviteur « Je suis celui qui suis[1] » ; vous êtes grand dès lors, et votre grandeur est éternelle ; elle n’a ni commencement ni fin ; elle n’a point commencé avec le temps, elle ne s’écoule point vers la fin du temps, ne souffre point diminution au milieu des temps ; c’est une grandeur immuable. Comment donc votre grandeur eut-elle été trop relevée ? Un autre prophète nous avertit ce disant : « Votre science est devenue admirable par moi[2] ». Or, si l’on peut dire avec vérité : « Votre science est devenue admirable par moi » ; on peut dire aussi : « Vous êtes infiniment grandi par moi, Seigneur mon Dieu ». Mais on peut demander encore : Est-ce moi qui puis relever Dieu ? moi qui puis le grandir ? La prière que nous offrons chaque jour à Dieu pour notre salut, nous enseigne quelque chose de semblable : « Que votre nom soit sanctifié », disons-nous ; c’est là ce que nous demandons chaque jour, Si quelqu’un nous interrogeait : Comment demandez-vous que le nom du Seigneur soit sanctifié ? Y a-t-il un moment où il ne soit pas saint, pour demander qu’il soit sanctifié ? Et pourtant, si nous ne désirions pas qu’il en fût ainsi, nous ne le demanderions point. Car autre est la congratulation, et autre la prière ; noue félicitons de ce qui est, nous demandons ce qui n’est pas encore. Quel est donc le sens de cette parole : « Que votre nom soit sanctifié ?[3] » Il nous aidera à comprendre cette autre : « Seigneur mon Dieu, vous êtes grandi à l’excès ». Or, « Que votre nom soit sanctifié », signifie : Que votre nom soit saint parmi les hommes. Sans doute, Seigneur, votre nom est toujours saint, mais il n’est pas encore saint pour les âmes impures. Car l’Apôtre l’a dit : « Tout est pur pour ceux qui sont purs, mais rien n’est pur pour les cœurs immondes et infidèles[4] ». Si rien n’est pur pour les cœurs infidèles et immondes, j’en demande la cause, et l’Apôtre me répond que « leur raison et leur conscience sont souillées ». Or, si pour eux rien n’est pur, Dieu lui-même ne l’est pas ; à moins de croire peut-être qu’ils le regardent comme pur, tout en le blasphémant. S’il est pur, qu’il leur plaise donc ; et s’il leur plaît, qu’ils le bénissent. Mais s’ils le blasphèment, c’est qu’il leur déplaît ; et s’il leur déplaît, comment peut être pur celui qui déplaît ? Que demandons-nous alors par cette parole : « Que votre nom soit sanctifié ? » Nous demandons que le nom du Seigneur soit saint dans ces hommes, pour qui il ne l’est pas à cause de leur infidélité, dans ceux pour qui n’est pas encore Saint, celui qui est saint en lui-même, par lui-même, et dans ses saints. Nous prions donc pour le genre humain, nous prions pour l’univers entier, pour tous les Gentils, pour tous ceux qui passent les journées à raisonner et à nous dire que Dieu n’est point juste, que ses jugements ne sont point justes, afin qu’ils se corrigent enfin eux-mêmes, et qu’ils redressent leur cœur sur sa droiture, qu’ils s’attachent à lui ; devenus droits, selon la règle même, qu’ils ne blâment plus l’équité de Dieu,

  1. Exod. 3,14
  2. Ps. 138,6
  3. Mt. 6,9
  4. Tit. 1,15