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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/88

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Car, alors, ils entendront : « Venez, bénis de mon Père, et recevez le royaume[1]. Qu’ils « soient donc dans la joie e ceux qui ont été dans la tristesse, et qu’ils tressaillent en présence du Seigneur ». Cette allégresse ne donnera point une vaine jactance, comme il arrive en présence des hommes, mais elle éclatera en présence de Celui qui voit sans se tromper ses propres dons. « Qu’ils s’abreuvent de ses joies » ; non pas dans une allégresse mêlée de crainte[2], comme il arrive ici-bas, tant que la vie de l’homme sur la terre est une tentation[3].
5. Enfin il se tourne vers ceux à qui il a inspiré une si grande espérance, et les stimule en cette vie, par ces exhortations : « Chantez au Seigneur, bénissez son nom sur vos instruments[4] ». Nous avons dit à propos du titre ce que nous pensions de cette parole. Chanter à Dieu, c’est vivre pour Dieu ; bénir son nom sur des instruments, c’est travailler pour sa gloire. C’est donc par ces chants, par ces accords, c’est-à-dire par cette vie et par ces œuvres qu’il vous faut « ouvrir la voie », dit le Prophète, « à Celui qui s’élève au-dessus de l’Occident ». Ouvrez la route au Christ, afin que les cœurs s’ouvrent à lui par la foi, au moyen de ceux dont les pieds sont beaux, en apportant l’Évangile[5]. Car c’est lui qui s’élève au-dessus du couchant ; soit que nul ne puisse le recevoir en se tournant à lui par une vie nouvelle, sans avoir abjuré le vieil homme, et renoncé au monde ; soit que s’élever au-dessus de l’Occident, se dise de la résurrection qui triomphe de la mort corporelle. « Car le Seigneur est son nom ». Et si les Juifs l’eussent connu, ils n’eussent jamais crucifié le Seigneur de la gloire[6].
6. « Tressaillez en sa présence ». O vous à qui il est dit : « Chantez au Seigneur, bénissez son nom sur vos instruments, ouvrez la route à celui qui s’élève au-dessus de l’Occident, tressaillez aussi en sa présence[7] », comme des hommes tristes qui sont néanmoins dans la joie[8]. Pour lui ouvrir la route, pour lui préparer le moyen de venir et de s’emparer des nations, vous aurez à souffrir des choses tristes de la part des hommes. Toutefois, loin de vous toute défaillance, tressaillez au contraire, non plus en présence des hommes mais devant Dieu. Soyez pleins de joie dans votre espérance, et patients dans la tribulation[9]. « Tressaillez en présence de Dieu ». Mais ceux qui jettent le trouble en vous devant les hommes, « seront troublés à leur tour, devant la face de Dieu qui est le Père de l’orphelin, et rend justice à la veuve[10] ». Ils regardent comme dans la désolation ceux que le glaive de la parole de Dieu vient séparer, les parents des enfants, les Époux de leurs Épouses[11] ; mais ceux qui sont ainsi délaissés, et dans le veuvage, reçoivent les consolations « de celui qui est le Père des orphelins, qui rend justice à la veuve » ; ils reçoivent ses consolations, ceux qui lui disent : « Voilà que mon père et ma mère m’ont délaissé, mais le Seigneur m’a pris sous sa garde[12] » : qui ont mis leur espoir en Dieu, qui ont persisté nuit et jour dans la prière[13] : en présence de Dieu, ils seront dans le trouble, ces méchants qui verront qu’ils n’ont rien obtenu parce que le monde entier a suivi le Seigneur[14].
7. C’est en effet de ces orphelins et de ces veuves, c’est-à-dire de ceux qui se privent de tout commerce avec les espérances d’ici-bas, que le Seigneur se fait un temple, et c’est de ce temple qu’il dit ensuite : « Dieu habite son sanctuaire ». Le Prophète nous indique, en effet, ce qu’est ce sanctuaire, quand il dit : « C’est Dieu qui fait habiter ensemble ceux qui ont une même âme[15] » ; qui sont unanimes ou qui ont les mêmes sentiments tel est le sanctuaire du Seigneur. Car après avoir dit : « Le Seigneur est dans son sanctuaire », comme si nous lui demandions quel est ce lieu, puisque le Seigneur est partout entièrement, et qu’il n’est aucun espace corporel qui le puisse contenir, le Prophète s’explique aussitôt, afin que nous ne cherchions pas le Seigneur en dehors de nous, mais que plutôt, n’ayant qu’une même âme pour habiter la même demeure, nous méritions que le Seigneur daigne habiter avec nous. Le sanctuaire du Seigneur, c’est ce que cherchent les hommes quand ils veulent un lieu où leurs prières soient exaucées. Qu’ils soient donc eux-mêmes ce qu’ils cherchent, et qu’ils repassent avec amertume ce qu’ils disent dans leur cœur ou plutôt dans le silence le plus profond[16], qu’ils n’aient qu’une

  1. Mt. 25,34
  2. Ps. 2,11
  3. Job. 7,1
  4. Ps. 67,5
  5. Isa. 52,7
  6. 1 Cor. 2,8
  7. Ps. 67,5
  8. 2 Cor. 6,10
  9. Rom. 12,12
  10. Ps. 67,6
  11. Mt. 10,34-35
  12. Ps. 26,10
  13. 1 Tim. 5,5
  14. Jn. 12,19
  15. Ps. 67,7
  16. Ps. 4,5