Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/418

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’ils puissent naître de la sorte. « Soumis à la Loi » ajoute l’Apôtre : car il reçut la circoncision et on offrit pour lui l’hostie prescrite par la Loi[1]. Pourquoi s’étonner qu’il se soit soumis aux observances onéreuses de la Loi, puisqu’il venait en affranchir les esclaves ? N’a-t-il pas enduré la mort elle-même pour en délivrer ceux qui y étaient condamnés ?« Afin de nous rendre enfants adoptifs. – Adoptifs » et par conséquent distincts du Fils unique de Dieu. C’est par sa grâce en effet et par la condescendance de sa miséricorde que nous sommes enfants de Dieu ; pour lui il est Fils de Dieu par nature, puisqu’il est Dieu comme le Père. Le texte ne porte pas : pour nous faire, mais pour nous rendre enfants de Dieu ; ce qui nous rappelle que nous avons perdu ce privilège dans la personne d’Adam, à qui nous devons d’être mortels. Par conséquent, entre ces paroles : « Pour racheter ceux qui étaient sous la Loi » lesquelles s’appliquent à l’affranchissement du peuple qui vivait dans son enfance sous l’autorité du pédagogue ; et celles-ci : « Soumis à la Loi » il y a corrélation. Corrélation aussi entre ces mots : « Pour nous rendre enfants adoptifs » et ces autres : « Formé d’une femme. » Si en effet nous redevenons enfants adoptifs de Dieu, c’est que son Fils unique n’a pas dédaigné de participer à notre nature en naissant d’une femme, et de devenir l’aîné de beaucoup de frères, lui qui n’en avait pas comme Fils unique du Père[2]. L’Apôtre avait dit d’abord : « Formé d’une femme » puis soumis à la loi ; » il intervertit l’ordre en faisant le rapprochement.

31. Pourquoi ces deux mots qui ont le même sens : « Abba, Père[3] ? » – Le peuple qui dans son enfance était asservi à des tuteurs et à des curateurs, c’est-à-dire aux éléments de ce monde, aurait pa craindre de n’être pas du nombre des enfants de Dieu, puisqu’il n’avait pas été soumis à la direction du pédagogue. L’Apôtre l’associe au peuple Juif dans le passage suivant : « Or, parce que vous êtes ses enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, criant : Abba, Père. » Voici deux expressions dont la dernière n’est que la traduction de la première ; car Abba veut dire Père. Mais ces deux mots qui appartiennent à des langues différentes et dont le sens est le même, sont une allusion spirituelle aux deux peuples, juif et gentil, qui sont unis dans une même foi pour former tout le peuple chrétien. Le terme hébreu rappelle les Juifs, l’autre désigne les Gentils ; et la signification identique des deux exprime l’unité de foi et d’esprit qui s’est établie entre l’un et l’autre peuple. Déjà dans son Épître aux Romains, où il traitait une question semblable, celle de la pacification à établir par le Christ entre les Juifs et les Gentils, le même Apôtre avait dit : « Aussi bien n’avez vous pas reçu de nouveau l’esprit de servitude qui inspire.lacrainte ; mais vous avez reçu l’Esprit des enfants adoptifs qui nous fait crier Abba, Père[4]. » C’est avec raison que de la présence en eux et du don que Dieu leur a fait de l’Esprit-Saint, saint Paul prétend prouver aux Gentils que l’héritage leur est promis comme à Israël. En effet l’Évangile n’a été annoncé aux Gentils qu’après l’Ascension du Seigneur et la descente du Saint-Esprit ; au lieu que les Juifs avaient commencé à croire pendant que le Fils de Dieu menait encore sur la terre sa vie mortelle. C’est ce que nous lisons dans l’Évangile. Il est vrai, le Sauveur y loue la foi de la Chananéenne[5], et la foi de ce centurion à laquelle il assure n’avoir point trouvé de toi semblable dans Israël[6] ; cependant c’est proprement aux Juifs qu’il prêchait alors son Évangile et ses paroles l’indiquent assez clairement. Car il répondit, à la prière de cette même Chananéenne, qu’il n’était envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël[7], et il dit à ses disciples, en leur donnant leur mission : « N’allez point vers les Gentils et n’entrez point dans les villes des Samaritains ; allez d’abord vers les brebis perdues de la maison d’Israël[8]. » Il disait encore que la Gentilité était pour lui un autre bercail : « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail » assurait-il, et il ajoutait qu’il devait les amener encore, afin qu’il n’y eût plus qu’un seul troupeau sous un seul pasteur[9] » et quand devait-il les amener, sinon après qu’il serait glorifié ? Aussi envoya-t-il, après la résurrection, ses disciples vers les Gentils, en leur recommandant toutefois de rester à Jérusalem provisoirement et jusqu’à ce qu’il leur envoyât le Saint-Esprit, conformément à sa promesse[10]. Après donc avoir dit : « Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme, soumis à la Loi, afin d’affranchir

  1. Lc. 2, 21-24
  2. Rom. 8, 29
  3. Gal. 4, 6
  4. Rom. 8,15
  5. Mt. 15, 28
  6. Id. 8, 10
  7. Id. 15, 24
  8. Id. 10, 5, 6
  9. Jn. 10, 16
  10. Act. 1, 4