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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/237

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après avoir vendu tout ce qu’il possédait[1]. N’est-ce pas effectivement le Seigneur qu’annonçait le Prophète ; et dans son langage figuré, comme il l’est d’ordinaire, ne désignait-il pas l’époque du siècle nouveau, c’est-à-dire de l’Église, quand il disait : « Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, la mer et l’aride ; j’ébranlerai tous les peuples, et le Désiré de toutes les nations viendra, et je remplirai cette maison de gloire, dit le Seigneur des armées ? L’or est à moi, l’argent aussi est à moi, dit le Seigneur des armées. La gloire de ce temple sera encore plus grande que celle du premier, dit le Seigneur des armées, et je donnerai la paix en ce lieu, dit le Seigneur des armées [2]. »
10. Si les Manichéens voulaient ne pas ressembler à ces chiens et à ces pourceaux auxquels il nous est interdit de jeter les choses saintes et les perles ; s’ils demandaient pour recevoir, s’ils cherchaient pour découvrir et s’ils frappaient pour obtenir qu’on leur ouvrit[3] ; ne pourraient-ils pas, sans le secours d’aucun interprète et sous la conduite du Saint-Esprit, voir que ce passage s’applique manifestement au peuple nouveau, c’est-à-dire au peuple chrétien dont le grand prêtre est Jésus le Fils de Dieu ? Ils comprendraient surtout les paroles suivantes : « Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, la mer et l’aride ; j’ébranlerai tous les peuples et le Désiré de toutes les nations viendra. — Et le Désiré des nations viendra ; » ces mots désignent le second avènement du Seigneur, quand il viendra avec gloire. Lors en effet qu’à son premier avènement il nous fut donné dans une chair mortelle par la Vierge Marie, il n’était pas le Désiré de toutes les nations, qui ne croyaient pas encore en lui. Mais en se répandant parmi tous les peuples, l’Évangile y allume le désir de le voir ; car il a et il aura partout des élus qui disent de tout cœur en le priant : « Que votre règne arrive[4]. » Au premier avènement la miséricorde a préparé le jugement, qui donnera tant d’éclat au second avènement. Il fallait donc d’abord ébranler le ciel, ce qui arriva lorsque l’Ange annonça à Marie qu’elle concevrait le Fils de Dieu, lorsqu’une étoile conduisit les Mages pour l’adorer, et lorsque des Anges encore apprirent sa naissance aux bergers ; ébranler la terre, étonnée de ses miracles ; ébranler la mer, c’est-à-dire le monde où frémissait le bruit des persécutions ; ébranler l’aride, car ceux qui croyaient en lui étaient affamés et altérés de justice ; ébranler enfin toutes les nations, car son Évangile devait courir de toutes parts. Après cela doit paraître le Désiré de toutes les nations, et il viendra effectivement, comme l’a prédit le prophète ; et cette demeure, c’est-à-dire l’Église, sera remplie de gloire.
11. Il ajoute ensuite conséquemment : « L’or est à moi, l’argent aussi est à moi. » C’est que toute la sagesse, signifiée par l’or, c’est que « les paroles, les paroles pures du Seigneur, cet argent épuré, purifié jusqu’à sept fois [5] », c’est que tout cet argent et cet or ne sont point aux hommes mais au Très-Haut ; et si sa maison est remplie de gloire, c’est que celui qui se glorifie doit se glorifier dans le Seigneur[6]. Pour faire rentrer au paradis l’homme qui en était sorti par orgueil, le grand prêtre qui habite cette maison mystérieuse a daigné se présenter comme un modèle d’humilité ; il l’atteste lui-même quand il crie dans l’Évangile : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur[7]. »
Afin donc que dans cette maison, c’est-à-dire dans son Église, nul ne s’attribue orgueilleusement ce qu’il peut avoir de sagesse dans ses sentiments ou dans ses discours, avec quelle salutaire précaution le Seigneur dit à tous« L’or est à moi, l’argent aussi est à moi ! » Par là s’accomplira ce qui suit : « et la gloire de cette dernière demeure sera plus grande que celle de la première. » Car la première demeure, ou les habitants de la Jérusalem terrestre, « ignorent la justice de Dieu, cherchent à établir la leur et conséquemment ne sont point soumis à la divine justice », comme le dit l’Apôtre[8]. Aussi considérez qu’en revendiquant la propriété de l’or et de l’argent, il leur a été impossible de parvenir à l’éternelle gloire de la dernière demeure. En disant, néanmoins : « La gloire de cette dernière demeure sera plus grande que « celle de la première ; » le prophète indique que celle-ci n’a pas été sans quelque gloire. C’est de cette gloire que parlait l’Apôtre lui-même quand il disait : « Si ce qui disparaît a de la gloire, ce qui demeure en a bien davantage[9]. »
12. Le dernier verset de ce passage prophétique est celui-ci : « Et dans ce lieu je donnerai « la paix, dit le Seigneur des armées. » Que signifie dans ce lieu ? Ne dirait-on pas que le Seigneur montre du doigt quelque chose de terrestre, puisque les lieux ne peuvent contenir que

  1. Mt. 13, 44
  2. Agg. 2, 7-10
  3. Mt. 7, 6-8
  4. Id. 6, 10
  5. Ps. 11, 7
  6. 2 Cor. 10, 17
  7. Mt. 11, 29
  8. Rom. 10, 3
  9. 2 Cor. 3, 11