Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/124

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Rappelle-toi aussi qu’après t’avoir comblé d’abord de tant d’avantages, il doit venir à toi pour te demander compte de ses dons et de tes iniquités ; déjà il considère comment tu as usé de ses grâces. Mais s’il t’a prévenu de ses dons, examine comment à ton tour tu préviendras sa face quand il arrivera. Écoute le Psaume « Prévenons sa présence en le bénissant. – Prévenons sa présence » ; rendons-le-nous propice avant qu’il vienne ; apaisons-le avant qu’il se montre. N’y a-t-il pas un prêtre qui puisse t’aider à apaiser ton Dieu ? Et ce prêtre n’est-il pas en même temps Dieu avec son : Père et homme pour l’amour de toi ? C’est ainsi que tu chanteras avec allégresse des psaumes à sa gloire, que tu préviendras sa présence en le bénissant. Chante donc : préviens sa présence par tes aveux, accuse-toi ; tressaille en chantant, loue-le. Si tu as soin de t’accuser ainsi et de louer Celui qui t’a fait, Celui qui est mort pour toi viendra bientôt et te donnera la vie.

6. Attachez-vous à cette doctrine, persévérez-y. Que nul ne change, ne devienne lépreux ; car un enseignement qui varie, qui n’offre pas toujours le même aspect, est comme la lèpre de l’âme ; et c’est de cette lèpre que le Christ nous guérit. Peut-être as-tu changé de quelque manière et, après y avoir regardé de plus près, adopté un sentiment meilleur : tu aurais dans ce cas rétabli l’harmonie. Mais ne t’attribue pas ce changement heureux ; ce serait te mettre au nombre des neuf lépreux qui n’ont pas rendu grâces. Un seul vint remercier. Les premiers étaient des juifs, et celui-ci était un étranger ; il représentait les gentils et donna au Christ comme la dîme qui lui était due. Il est donc bien vrai que nous sommes redevables au Christ de l’existence, de la vie, de l’intelligence ; si nous sommes hommes, si nous nous conduisons bien, si nous avons l’esprit droit, c’est à lui encore que nous en sommes redevables. Nous n’avons, de nous, que le péché. Eh ! qu’as-tu, que tu ne l’aies reçu[1] ? O vous donc, vous surtout qui comprenez ce langage, après avoir purifié votre cœur de toute lèpre spirituelle, placez-le haut, sursum cor, pour le guérir de toute infirmité, et rendez grâces à Dieu.


SERMON CLXXVII. CONTRE L’AVARICE[2].

ANALYSE. – Deux sortes de personnes ont à se tenir en garde contre l’avarice : ceux qui ne sont pas riches et ceux qui le sont, sans vouloir le devenir davantage. I. Si l’on n’est pas riche, qu’on se garde de chercher à le devenir. Les païens ont blâmé ce désir ; mais nous avons, pour le condamner, des motifs plus pressants que les leurs. Ne sommes-nous pas les hommes de Dieu ? Or, quand on est d’un rang si haut, il est indigne de s’abaisser aux convoitises terrestres. De plus ce désir entrave notre marche et notre essor vers le ciel. Enfin il ne fait qu’accroître nos besoins et nos peines. II. Si l’on est riche, il faut, pour se préserver de l’avarice, éviter l’orgueil et la fierté ; ne pas s’appuyer sur les richesses, mais sur Dieu ; enfin donner généreusement pour acquérir un trésor dans la vie éternelle.

1. Le sujet de notre discours sera cette leçon de l’Apôtre : « Nous n’avons rien apporté dans ce monde et nous ne pouvons en emporter rien. Ayant donc la nourriture et le vêtement, contentons-nous ; car ceux qui veulent devenir riches, tombent dans la tentation, dans un filet, et dans beaucoup or de désirs nuisibles, lesquels plongent les hommes dans la ruine et la perdition. L’avarice est en effet la racine de tous les maux, aussi plusieurs y ayant cédé, ont dévié de la foi et se sont engagés dans beaucoup de chagrins ». Voilà de quoi vous rendre attentifs et nous déterminer à parler. Ces mots nous mettent en quelque sorte l’avarice devant les yeux ; elle comparaît à titre d’accusée ; que

  1. 1Co. 4, 7
  2. 1Ti. 1, 7-19